dimanche 8 juin 2014

Dimanches rétro: l'intérêt de la justice en matière d'amendement, c'est d'abord et avant tout le respect de l'équilibre entre les parties

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Nous avons régulièrement discuté de la question des amendements tardifs et du fait que la considération principale pour qu'ils ne soient pas contraires à l'intérêt de la justice est le maintien de l'équilibre entre les parties. C'est dans l'affaire Gestion immobilière André Ledoux inc. c. Laplante (1996 CanLII 5790) que la Cour d'appel énonçait le plus clairement ce principe.
 

Dans cette affaire, les Appelants se pourvoient contre un jugement de la Cour supérieure qui a rejeté en partie une demande d'amendement pour autoriser des modifications à la défense et demande reconventionnelle à une action en exécution de transaction.
 
Les Appelants voulaient demander l'annulation de celle-ci, ainsi que d'une vente immobilière antérieure au sujet de laquelle cette transaction avait été conclue entre les parties. La Cour supérieure a autorisé les Appelants à demander l'annulation de leur transaction, mais a refusé la modification qui réclamait l'annulation de la vente immobilière. 
 
C'est le matin de la première journée du procès - six (6) ans après l'introduction de l'action - que les Appelants présentent la demande d'amendement en litige.
 
Un banc unanime de la Cour d'appel composé des Honorables juges Lebel, Delisle et Tourigny confirme la décision de première instance. Ce faisant, la Cour souligne l'importance de maintenir l'équilibre entre les parties et son rôle de composante principale de l'intérêt de la justice en matière d'amendement:
Par ailleurs, le principal problème de cet appel se trouve au niveau de l'application des conditions de l'intérêt de la justice, que l'article 203 C.p.c. commande d'examiner lors d'une demande d'amendement. On reconnaîtra volontiers que la procédure civile actuelle reste favorable à l'amendement. Pourvu qu'il ne nuise pas à cet intérêt public et qu'il ne porte pas atteinte à l'équité fondamentale du procès entre les parties, on doit en principe l'accorder (voir Beauregard c. Soeurs de la Charité de Ste-Marie, C.A. (Montréal) no 500-09-000488-841, 14 juin 1985, p. 4, opinion du juge Tyndale): 
«The jurisprudence is constant to the effect that amendments should be permitted as a rule, and refused only exceptionally for a good legal reason. In my view, with respect, the proposed amendment does not come within the exceptions mentioned in article 203 CCP; it invokes an additional, pertinent, and far from frivolous ground of defence to the action; although the motion was made rather late in the proceedings, it should have been granted in the interests of justice and of a ruling on «the true rights of the parties».» 
De plus, la tardiveté de l'amendement ne sera pas en elle-même un motif de rejet, pourvu que celui-ci ne compromette pas les droits de l'une ou l'autre des parties, à ce stade (Deneault c. Chauvette, 1990 CanLII 3686 (QC CA), [1990] R.J.Q. 1524 (C.A.). 
Aussi favorable aux plaideurs que soit le régime procédural de l'amendement, il comporte cependant cette limite de l'intérêt de la justice, que rappelait notre Cour, après un renvoi aux principaux arrêts sur le sujet, dans l'affaire Victor c. Echenberg, C.A. (Montréal) no 500-09-000363-903, 15 juin 1990: 
«Considérant que, même si les dispositions des articles 202 et 203 du Code de procédure civile doivent, comme règle générale, être interprétées de façon large et libérale (Hamel c. Brunelle; O'Neil c. Canadian International Paper Co; Meyer c. National Drug Ltd.; Mon Air Land Investment c. South Port Investments; Boyer c. Dumontier; Vendôme Knitting Mills c. Philip's Don; Zablocki c. Zablocki, il n'en demeure pas moins qu'il y a des cas limites où l'amendement serait nettement contraire aux intérêts de la justice (Gallant Fashions inc. c. Les Services de Crédit Accord inc.; Amparo Construction inc. c. Nguyen Thanh Niem.»  
Un élément essentiel de cet intérêt de la justice est la préservation de l'équilibre des droits des parties. Dans l'espèce, l'amendement soumis le matin de l'instruction seulement laisserait les intimés dans une position difficile pour se défendre. Les immeubles ont été aliénés. Il en résulterait des problèmes pour son examen et les expertises sans doute nécessaires. De plus, l'article 1442 C.c.Q. crée la possibilité de recours et d'interventions ultérieures de d'autres parties et les exposerait à des doubles réclamations. Devant cette situation, les appelants n'ont rien fait pour assurer la présence des autres parties comme mises en causes, présence qui apparaîtrait prudente, sinon nécessaire, en raison des droits potentiels résultant de leur position dans la chaîne des acquéreurs. 
Référence : [2014] ABD Rétro 23

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