mercredi 18 juin 2014

À moins de stipulation contraire dans le contrat de société, la décision de vendre la totalité des actifs d'une société doit être unanime

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Dans l'affaire Brossard c. 2868768 Canada inc. (2014 QCCS 2751), l'Honorable juge Gérard Dugré devait régler une question qui se pose depuis l'adoption du Code civil du Québec à savoir si une société en nom collectif qui désire se départir de la totalité de ses actifs doit obtenir l'assentiment unanime de ses associés. Le juge Dugré en vient à la décision qu'à moins de disposition contraire dans le contrat de société, c'est effectivement le cas.
 

Dans cette affaire, la Défenderesse soumet une requête au tribunal par laquelle elle recherche une déclaration à l'effet qu'un vote à la majorité des associés est suffisant pour que la société en nom collectif vende son unique actif (un immeuble).
 
Les Demandeurs contestent cette requête et demandent au contraire que le tribunal déclare que l’immeuble ne peut être vendu sans le consentement unanime des associés.

Après analyse, le juge Dugré en vient à la conclusion que la décision pour une société de vendre la totalité de ses actifs équivaut essentiellement à la décision de dissoudre cette société. Puisque l'article 2230 C.c.Q. prévoit que la dissolution nécessite un vote unanime, il est logique de conclure que la vote de la totalité des actifs répond au même impératif:
[47]        La décision de vendre l’unique actif de la société, soit l’immeuble, en est une qui aura pour effet de changer l’état de ce bien. En effet, l’immeuble passera de l’état de bien immeuble à bien meuble puisque le produit de la disposition – le prix de vente en argent – est un bien meuble : art. 907 C.c.Q.; Barrière c. Fontaine, 2008 QCCQ 27882, par. 52; Christine lebrun, « Meubles par nature ». 
[48]        En conséquence, une décision qui a un tel effet doit être prise avec le consentement unanime des associés. C’est ce que dicte l’art. 2215 al. 3 C.c.Q. qui se lit ainsi : 
De plus, chaque associé peut contraindre ses coassociés aux dépenses nécessaires à la conservation des biens mis en commun, mais un associé ne peut changer l'état de ces biens sans le consentement des autres, si avantageux que soit le changement. 
[49]        Évidemment, la vente de l’immeuble, seul actif de la société, est aussi un acte fait en dehors du cadre des activités courantes de la société. Or, une telle décision requiert aussi le consentement unanime des associés. Les auteurs Lamontagne et Larochelle le confirment :  
Dans le cadre de nos exemples, la décision de vendre l’entreprise n’entre pas dans la définition des affaires courantes. Elle implique un changement de destination des biens mis en commun, un changement de l’état des biens, ce qui exige une décision de tous les associés si avantageux que soit le changement (art. 2215 C.c.Q.). Un tel changement de l’état des biens mis en commun peut même être assimilé à un changement au contrat de société ce qui exige le consentement des associés. Résumons. Le pouvoir d’aliéner des biens de la société en dehors du cadre de ses activités courantes appartient à tous les associés collectivement. [note omise] 
[50]        Ainsi, même si la vente de l’immeuble peut s’avérer avantageuse pour la société, cette décision doit être prise à l’unanimité par les associés compte tenu, d’une part, du changement de l’état de l’immeuble que sa vente entraînerait et, d’autre part, que cette vente serait réalisée en dehors du cours normal des affaires de la société.  
[51]        En l’espèce, la vente de l’immeuble affecte non seulement l’état du seul bien de la société, mais elle équivaut, dans les faits, à la dissolution de celle-ci puisque les associés entendent par le fait même disposer de l’unique actif de la société. 
[52]        En effet, l’immeuble est non seulement le seul actif de la société, mais aussi sa seule raison d’être. La décision de vendre cet immeuble constitue donc une cause qui appelle nécessairement ou légitimement la dissolution de la société. 
[53]        Or, en l’absence de stipulation contraire dans le contrat de société, la dissolution volontaire de la société 3510 demeure une décision collective assujettie à l’approbation unanime des associés : art. 2230 C.c.Q.
Référence : [2014] ABD 242

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