lundi 12 mai 2014

Pour pouvoir invoquer la fin de non-recevoir, le comportement répréhensible de la partie adverse doit être à l'origine du litige

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

La fin de non-recevoir demeure mal comprise par plusieurs. Il ne s'agit pas d'un moyen qui peut être invoqué dans tous les cas où la partie adverse est de mauvaise foi ou qu'il agit de manière répréhensible. En effet, il faut que ce comportement inacceptable soit à l'origine du litige, i.e. que sans lui le point en litige en question n'existerait pas. C'est que ce la Cour d'appel souligne dans Corporation de négociation Ashuanipi c. Canada (Procureur général) (2014 QCCA 920).
 

Dans cette affaire, l'Appelante se pourvoit contre un jugement qui a accueilli la réclamation de l’Intimé et l'a condamné à payer la somme de 232 406 $ avec les intérêts et l’indemnité additionnelle.
 
Un des moyens qu'elle met de l'avant pour attaquer le jugement a trait à la fin de non-recevoir. L'Appelante plaide en effet que le juge de première instance a erré en ne retenant pas son argument relatif à celle-ci.
 
C'est dans ce contexte qu'un banc unanime de la Cour composé des Honorables juges Pelletier, Morin et Giroux formule certains commentaires à l'égard de la fin de non-recevoir. En particulier, la Cour souligne qu'il s'agit d'un moyen exceptionnel qui ne peut trouver application que lorsque le comportement répréhensible ou la mauvaise foi de la partie adverse est à l'origine du litige:
[33]        L’appelante invoque à la fois la fin de non-recevoir reconnue en droit civil dans l’arrêt de la Cour suprême Banque Nationale du Canada c. Soucisse et la doctrine des attentes légitimes du droit administratif puisqu’elle cite à son bénéfice l’arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration)
[34]        En droit civil, la fin de non-recevoir permet au tribunal de rejeter une demande, par ailleurs bien fondée en droit, dans la mesure où c’est le comportement hautement répréhensible du demandeur qui est à l’origine du litige. Sans éteindre la créance ni équivaloir à la nullité du contrat, elle rend en pratique inefficace ou irrecevable le recours intenté et le paralyse. Elle est d’application exceptionnelle et ne peut intervenir que dans le cas de violation sérieuse des exigences de la bonne foi, comme un comportement particulièrement déloyal. 
[...] 
[36]        En l’espèce, et bien que le fondement contractuel de l’action de l’intimé rende plus vraisemblable l’application du droit civil, il n’est pas nécessaire de déterminer de façon définitive si la théorie ici applicable est celle de la fin de non-recevoir ou celle de l’estoppel by representation. La preuve administrée ne permet pas de soutenir ce moyen de l’appelante.  
[37]        D’une part, celle-ci n’a pas démontré que le comportement du MAINC dans ses relations avec elle était répréhensible au point de justifier le rejet de sa réclamation ou qu’il avait gravement manqué aux exigences de la bonne foi. D’autre part, elle n’a pas davantage fait la preuve d’un engagement, d’une compréhension mutuelle ou d’un comportement quelconque opposable au MAINC sur la base duquel elle aurait agi.
Référence : [2014] ABD 187

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