lundi 26 mai 2014

Pour avoir une force probante, la preuve par polygraphe doit être raisonnablement contemporaine

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Nous avons déjà discuté ensemble de la recevabilité de la preuve par polygraphe en matière civile. Dans ce billet, nous avions souligné que ce n'est pas tant la recevabilité de cette preuve que sa force probante qui est l'enjeu principal. C'est pourquoi j'attire aujourd'hui votre attention sur la décision récente rendue dans Danic MFG Industries Inc. c. Imbleau (2014 QCCS 2142) dans laquelle la Cour supérieure souligne que la preuve par polygraphe doit être raisonnablement contemporaine aux évènements dont il est question pour avoir une force probante.
 

Dans cette affaire, la Demanderesse réclame du Défendeur la somme de 125 445,75 $, représentant des sommes que le Défendeur s’est lui-même octroyées à titre de fonds de pension alors qu’il était contrôleur de la compagnie. La Demanderesse plaide que c’est sans droit et sans permission qu’il s’est attribué ces montants.
 
Le Défendeur rétorque qu'une entente verbale intervenue en mai 2001 avec l’alter ego de la Demanderesse lui garantissait cette somme à 64 ans à titre de fonds de pension, de même qu’une somme équivalente à deux années de salaire, à son 65e anniversaire, soit 174 311 $.
 
Afin de supporter sa cause, le Défendeur soumet les résultats d'un test de polygraphe qui indique qu'il dit la vérité. La difficulté tient au fait que ce test est effectué près de 10 ans après les évènements pertinents et que le Défendeur prend certains médicaments, ce qui amène l'Honorable juge Martin Castonguay à ne donner aucune force probante à la preuve par polygraphe:
[88]        Le Tribunal retient le témoignage du docteur Lepore, lorsqu’il avance que la médication ingérée par un individu peut avoir un impact sur les résultats d’un test de polygraphe. 
[89]        La question relative à la force probante d’un test de polygraphe, lorsque le sujet est sous médication, n’est pas nouvelle. Voici comment s’exprimait le juge De Wever dans l’affaire Gauthier c. Assurances générales Desjardins : 
[...]   
[90]        Outre la situation médicale d’Imbleau, le docteur Lepore soulève que le passage du temps peut avoir un impact sur ce qu’un individu perçoit comme étant la vérité. Ainsi, une simple hypothèse peut se transformer au fil des ans en une réalité. 
[91]        Le Tribunal ne peut que constater que plus de 10 ans séparent les événements de mai 2001 avec le test de polygraphe. 
[92]        Dans les circonstances, le Tribunal ne peut accorder aucune valeur probante aux résultats du test de polygraphe.
Référence : [2014] ABD 208

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