samedi 3 mai 2014

Par Expert: nul témoin expert ne peut témoigner sans respecter les formalités prévues à l'article 402.1 C.p.c.

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Le législateur québécois a pris la décision d'encourager - et même de requérir - la divulgation préliminaire de la preuve la plus importante possible. Ainsi, révolue est l'époque où le procès réservait des surprises au niveau de la preuve (du moins en principe). Au niveau des experts, c'est l'article 402.1 C.p.c. qui prévoit que celui-ci ne pourra témoigner à moins d'avoir préalablement déposer un rapport ou en avoir été dispensé par un juge. La Cour d'appel indiquait, dans Association Canadienne de Ski Inc. c. Hébert (1987 CanLII 1012), que ces formalités sont essentielles et ne peuvent être contournées.
 

Dans cette affaire, le juge de première instance avait accueilli des objections à certaines questions posées par l'Appelante à un témoin ordinaire au motif que ces questions cherchaient l'émission d'une opinion.
 
L'Appelante fait valoir que même si cela est vrai, le témoin en question avait des connaissances particulières dans le domaine pertinent (ici, le ski) de sorte qu'on devait lui permettre de répondre à certaines questions qui relèvent du domaine de l'opinion.
 
La Cour d'appel, dans une décision majoritaire (les Honorables juges Lebel et Dubé formant la majorité et l'Honorable juge Jacques étant dissident), vient confirmer la décision de première instance. À cet égard, le juge Lebel souligne que l'on ne pouvait passer outre la prescription de l'article 402.1 C.p.c.:
L'article 402.1, adopté en 1984 (L.Q. 1984, ch. 26, art. 18), favorise la communication complète de la preuve avant le procès. Ainsi, dans les cas des expertises, il impose le dépôt et la production du rapport. Par la suite, à défaut de tel rapport, le témoin expert ne peut être entendu sans autorisation du tribunal. À cet égard, le texte diffère de celui qui était en vigueur antérieurement. Ce dernier, suivant un arrêt de notre Cour, permettait le témoignage verbal de l'expert, même s'il interdisait le dépôt de son rapport, même si les formalités et les délais prévus au Code n'étaient pas respectés (voir Dubuc c. Habitation F.J.R., C.A.M. n 500-09-000723- 791, le 15 janvier 1981; Reid et Ferland, Code de procédure civile, à noter, T. 4, p. 303). 
Le texte actuel de l'article 402.1 vise sûrement l'expertise d'opinion. Celle-ci constitue une dérogation à la règle voulant qu'un témoin ne soit entendu, en principe, que sur les faits qu'il a constatés ou qui se trouvent à sa connaissance personnelle (voir Royer: La preuve, p. 171, n 465). Dans le cas d'une analyse scientifique, l'expert peut être appelé à témoigner en tant que tel, pour établir certains faits sur la base de ses constatations personnelles. C'est particulièrement le cas dans certaines expertises techniques ou scientifiques. Il agira au sens propre du terme comme expert mais témoignera sur des faits qu'il a constatés. Le particularisme du rôle de l'expert, cependant, quant aux règles normales de la preuve, se situe plutôt aux point où il commence à exprimer une opinion sur des faits établis par les témoignages ou les constatations. L'article 402.1 actuel vise sûrement ce rôle de l'expert et il semble avoir l'intention d'interdire la production du témoignage d'opinions sans que l'on ait respecté les formalités et délais de l'article 402.1, à moins que la permission du juge du procès n'ait été obtenue. Cela n'a pas été le cas ici. 
Telles que résumées dans le jugement d'autorisation rendu par monsieur le juge Gendreau, les questions posées dépassaient le cadre de la constatation de faits. Dans leur formulation, elles cherchaient à obtenir une opinion de Grinnell. Dans les circonstances, les dispositions de l'article 402.1 sont contraignantes et la décision du premier juge paraît bien fondée.
Référence : [2014] ABD Expert 18

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