dimanche 18 mai 2014

Dimanches rétro: même en cas de dol, la règle en matière de compensation demeure la même

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Le législateur québécois a fait un choix en matière civile: hormis les cas exceptionnels il l'attribution de dommages punitifs est expressément prévue, les dommages qui peuvent être octroyés ne servent qu'à compenser le préjudice subi. Le fait que la partie adverse soit de mauvaise foi ou qu'elle est commis un dol ne change rien à cette réalité comme le soulignait la Cour d'appel dans Laplante c. Lemarbre (2009 QCCA 1172).
 

Dans cette affaire, l'Appelante se pourvoit contre un jugement qui a rejeté son recours en dommages contre l'Intimé. En effet, bien que le juge de première instance en est venu à la conclusion que l’Intimé, le vendeur, a commis un dol par réticence en n’informant pas adéquatement l’Appelante, alors qu’elle s’apprêtait à acheter son unité privative, que des travaux majeurs allaient débuter sous peu.
 
Mis à part la question des troubles et inconvénients où la Cour d'appel est d'avis que le juge de première instance aurait du accorder des dommages à l'Appelant, le jugement de première instance est confirmé.
 
En effet, bien que le dol comme par l'Intimé ne fait pas de doute, celui-ci n'a pas véritablement causé de dommages à l'Appelante en l'instance:
[13]           La quantification de la réduction appropriée demeure un exercice délicat où il faut éviter d'enrichir la victime. Vincent Karim écrit, dans Les obligations, vol 1, 2 éd., à la p. 242, commentant l'art. 1407 C.c.Q. : 
Quel que soit le recours choisi par celui dont le consentement est vicié, la preuve d’une faute du cocontractant est essentielle lorsque la sanction choisie est la réduction des obligations. Il s’agit en fait d’une application particulière du régime de responsabilité civile. L’octroi de dommages-intérêts est simplement remplacé par une réparation en nature, soit la réduction des obligations. Par ailleurs, l’article 1407 C.c.Q. ne doit pas être appliqué de façon à accorder à la victime un bénéfice supérieur à celui dont il n’a pu tirer profit. En d’autres termes, lorsque le demandeur choisit comme sanction la réduction de ses obligations, cette réduction doit équivaloir à une réparation en nature du préjudice subi et non à une source d’enrichissement. La réduction des obligations, bien qu’elle représente une notion distincte des dommages-intérêts, équivaut aux dommages-intérêts que la victime aurait été en droit de demander. 
[14]           En l'espèce, le préjudice associé aux mises de fonds ne peut s'établir qu'après déduction de la plus-value de l'unité associée aux travaux et des coûts d'entretien normalement prévisibles pour une copropriété divise. Autrement, l'appelante s'enrichit aux dépens de l'intimé.  
[15]           En d'autres mots, en droit, le préjudice ne peut correspondre à la quote-part des mises de fonds payée par l'appelante. Or, aucune preuve au dossier ne permet de déterminer un autre préjudice. Une expertise, le témoignage d’un agent immobilier ou la production des comptes de taxes foncières auraient pu éclairer la Cour. Cela n’a pas été fait.  
[16]           L’appelante n’a donc pas déchargé son fardeau de preuve sous l’art. 1407 C.c.Q. de démontrer l’étendue du préjudice économique lui résultant du dol de l'intimé. Là se trouve en filigrane l'analyse du juge de première instance qui, après avoir retenu de la preuve que des travaux esthétiques majeurs avaient été abandonnés, conclut que l'appelante n'avait pas subi de préjudice puisque les travaux finalement réalisés se sont limités à ceux requis pour la mise aux normes de l'immeuble, une obligation qui revient à tous les copropriétaires et qui était prévisible en l'espèce, comme le reflétait le prix payé inférieur de 30 % à celui des unités comparables ailleurs sur l'Île.
Référence : [2014] ABD Rétro 20

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