Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.
L'Honorable juge Marie-Anne Paquette, dans l'affaire Martin c. Société Telus Communication (2014 QCCS 1554), vient de rendre une décision qui aura un très grand impact en matière de droit de la consommation québécois (à moins qu'elle soit renversée en appel). En effet, dans cette affaire elle en est venue à la conclusion que l'article 12 de la Loi sur la protection du consommateur prohibe les clauses dans les contrats de consommateur qui permettent au commerçant de modifier les frais qu'il impose au consommateur en envoyant un avis à cet effet.
Dans un très grand nombre de contrats de consommation à exécution successive, les commerçant insèrent des clauses qui prévoient qu'ils pourront, sur préavis, changer les modalités financières du contrat. C'est le cas par exemple dans l'industrie cellulaire ou bancaire.
Dans l'affaire qui nous intéresse, la Défenderesse avait inséré la clause suivante dans ses contrats avec ses usagers:
17. Modifications
Les présentes modalités de service (y compris, les tarifs et les frais) peuvent être modifiées unilatéralement par TELUS de temps à autre, moyennant un préavis minimal de trente (30) jours à votre attention, et les modifications n'entreront en vigueur que lorsque vous utiliserez le service après ce délai de trente (30) jours (utilisation qui sera réputée de façon péremptoire comme signifiant votre acceptation des modifications).
Le recours collectif entrepris par la Demanderesse allègue que le changement unilatéral effectué par la Défenderesse à ces tarifs pour les messages textes, effectué conformément à cette clause, était illégal. Pour cette raison, la Demanderesse réclame, au nom du groupe qu'elle représente, des dommages.
Après analyse, la juge Paquette en vient à la conclusion que l'article 12 de la LPC prohibe effectivement de telles clauses et que la Défenderesse ne pouvait donc unilatéralement changer sa tarification pour les messages textes:
[37] L'article 12 LPC vise à assurer que le consommateur s'engage en toute connaissance de cause, au moment de conclure le contrat de consommation. Cette exigence n'est pas respectée ici.
[38] En effet, avant de s’engager avec TELUS pour une durée déterminée, rien ne permet aux consommateurs de connaître à l'avance et précisément l'objet, le moment et, surtout, le montant d'une éventuelle augmentation de tarif. La Clause de modification unilatérale ne prévoit même aucun critère objectif qui donnerait quelque indication, par exemple, de l’étendue, de la fréquence d’une augmentation éventuelle des tarifs ou des critères suivant lesquels une telle augmentation pourrait être imposée.
[39] Cela est contraire à l'esprit et à la lettre de l'article 12 LPC qui, comme toute disposition de cette loi d'ordre public, doit recevoir une interprétation libérale favorable au consommateur, en raison de l'objectif de protection qu'elle poursuit.
[947] Comme le soulignent avec justesse les avocats de l'Office, cet article 12 vise à assurer que le consommateur est bien informé de toutes les conditions de son contrat. Le législateur veut qu'il puisse faire un choix éclairé en connaissant précisément ce à quoi il s'engage. L'objectif de protection de la loi prend ici tout son sens. À moins d'indications claires permettant au consommateur de connaître exactement le montant des frais impliqués, le commerçant ne peut les lui réclamer.
[Soulignements du Tribunal]
[40] L'article 12 LPC a « pour but d'empêcher que le consommateur ne soit pris par surprise par l'effet d'une stipulation dont l'évaluation en dollars n'a pas été faite clairement ». Pour respecter l'exigence de l'article 12 LPC, la clause du contrat doit donc prévoir un montant précis, ce qui n'est pas le cas ici.
[41] L'Avis d'augmentation respecte, au sens strict, cette exigence. Par contre, il est expédié en cours de contrat.
[42] Cette distinction est cruciale.
[43] Lorsqu'une telle augmentation est annoncée en cours de contrat, le consommateur est privé de l'opportunité de s'engager en toute liberté et en toute connaissance de cause. Il est déjà commis dans une relation contractuelle avec TELUS, avec toutes les obligations qui en découlent.
[44] Certes, à la réception de l'Avis d’augmentation, diverses options s'offraient aux membres du groupe. Ultimement, il leur était loisible de mettre fin à leur contrat avec TELUS si, à leur avis, l'augmentation de tarif justifiait une telle décision.
[45] Par contre, le contrat à durée déterminée que les membres ont signé les oblige à payer des frais d’annulation de 100 $ à 700 $ s’ils résilient leur contrat avant son échéance.
Commentaires:
Voilà assurément une décision qui aura un effet important sur le modèle d'affaire qui est utilisé par les compagnies de téléphonie cellulaire.
On pourrait croire que la solution pour les commerçants est simple: migrer vers des contrats à durée indéterminée auxquels ils peuvent mettre fin sur préavis ou vers des contrats à court terme. Le problème avec cette approche est que les commerçants en matière de téléphonie cellulaire subventionnent fortement le prix d'achat de téléphones cellulaires et tirent la majorité de leurs revenus des contrats à long terme.
Bien sûr, personne ne pleurera le sort des Bell, Telus et Rogers de ce monde, mais il sera très intéressant de voir comment cette décision changera les conditions en vertu desquelles elles offriront leurs services cellulaires.
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