samedi 19 avril 2014

Par expert: une expertise communiquée, mais non produites au dossier de la Cour ne sont pas publiques

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Les expertises sont couvertes par le secret professionnel tant qu'elles ne sont pas déposées en preuve. Cette formulation est importante puisqu'elle implique que le secret professionnel - et donc la confidentialité de l'expertise - continu de s'appliquer tant que l'expertise n'a pas été déposée en preuve au procès. C'est la conclusion à laquelle en était venue la Cour d'appel dans l'affaire Centre Marcel-Boivin inc. c. Société immobilière du Québec (2007 QCCA 749).

Dans cette affaire, l'Appelante se pourvoit à l'encontre d'un jugement qui lui a refusé accès à des expertises qui avaient été communiquées aux Intimées dans d'autres litige. En effet, les Intimées, en défense à l'encontre de recours collectifs découlant des inondations au Saguenay, avaient reçues des expertises des parties demanderesses. Ces expertises avaient été communiquées aux parties adverses et au juge qui devait entendre le procès, mais un règlement hors cour est intervenu avant que ces expertises soient déposées en preuve.

L'Appelante, qui a été exclue des recours collectifs - lesquels n'ont été intentés qu'au nom des personnes physiques - voulait obtenir les expertises en question.
La Cour d'appel, dans un jugement unanime rédigé par l'Honorable juge André Rochon, rejette l'appel et souligne que la confidentialité qui s'attache à l'expertise subsiste tant qu'elle n'a pas été déposée en preuve:
[30]           Il va de soi qu'en produisant une expertise en preuve, la partie renonce au secret professionnel qui y serait attaché.  Sous réserve d'une ordonnance particulière du tribunal et des exceptions réglementaires et législatives, le document entre dans la sphère publique du débat judiciaire.  L'expertise devient accessible à tous. 
[31]           Qu'en est-il lorsque l'expertise est communiquée à la partie adverse sans être déposée au dossier de la Cour ? 
[32]           Dans le dossier du recours collectif, les expertises furent communiquées à la partie adverse avec l'ensemble des autres pièces (art. 331.1 C.p.c.).  Elles n'ont jamais été produites au dossier de la Cour comme le prévoit l'article 331.7 C.p.c. 
[33]           Les expertises furent transmises au juge de la Cour supérieure (l'honorable Paul Vézina) qui présidait la conférence de règlement à l'amiable.  Vu le caractère confidentiel inhérent à ce processus, l'appelante n'invoque pas cette communication au soutien de sa thèse. 
[34]           Les expertises furent également remises au juge qui devait entendre le procès (l'honorable Jean Lemelin) dans le cadre d'une conférence préparatoire à l'instruction (art. 279 C.p.c.).  Le juge Lemelin avait demandé de consulter les expertises.  Elles lui furent expédiées avec une lettre de l'avocat où il est, notamment, écrit ce qui suit : 
[...] 
[44]           Bref, en raison du règlement intervenu, les audiences publiques du recours collectif n'ont jamais débuté.  Tout au long des procédures antérieures au règlement, les parties au recours collectif n'ont jamais rendu publiques leurs expertises.  Elles n'ont pas non plus renoncé au secret professionnel qui s'y rattache, et ce, à une exception près.  Les expertises furent communiquées au P.G. aux termes de l'article 331.1 C.p.c.  Théoriquement, seul ce dernier pourrait invoquer que la partie adverse a renoncé au privilège attaché aux expertises.  Cette situation ne peut en aucun cas conférer un droit quelconque à un tiers, dont l'appelante, d'avoir accès à ces expertises
[45]           Ces expertises ne furent jamais déposées au dossier de la Cour.  Aucune preuve ne fut administrée à leur égard.  Les procédures écrites (déclaration – défense – réponse) n'y réfèrent pas.
Référence : [2014] ABD Expert 16

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