mercredi 30 avril 2014

La liquidation d'une personne morale est appropriée lorsqu'il est devenu impossible pour elle d'accomplir son objet

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

La liquidation d'une personne morale est généralement considérée comme une solution de dernier recours parce que son effet est drastique. Reste que le législateur prévoit certaines situations où ce remède est expressément prévu. Une de celles-là est le cas où il est devenu impossible pour la personne morale d'accomplir son objet comme le souligne l'affaire Rossow Canada inc. c. Argile Eau Mer inc. (2014 QCCS 1676).


Les parties au litige se sont associées dans le but d’exploiter et de commercialiser l’argile marine de Manicouagan. Ne s'entendant plus sur les vertus des produits, les parties sont impliqués dans plusieurs litiges qui sont plaidés devant l'Honorable juge Jacques G. Bouchard.
 
Le nœud du débat est de déterminer si le produit principal vendu par l'entreprise souffre d'un défaut de qualité. Le juge Bouchard, après analyse de la preuve d'expert, en vient à la conclusion qu'il n'existe pas de défaut de qualité affectant les produits pertinents.
 
Cependant, puisqu'il est indéniable que l'associé responsable de la commercialisation et la distribution du produit n'y croit plus (étant d'avis qu'il ne respecte pas la réglementation européenne pertinente), le juge Bouchard en vient à la conclusion que la liquidation de la société est appropriée. En effet, sans cet associé, elle ne peut accomplir son objet:
[38]        Madame Denise Saulnier et AEM demandent la dissolution de cette entreprise, sur la base des articles 355 C.c.Q., 2230 C.c.Q. et 2258 C.c.Q., qu’il y a lieu de reproduirent ci-après : 
355. La personne morale est dissoute par l'annulation de son acte constitutif ou pour toute autre cause prévue par l'acte constitutif ou par la loi.  
Elle est aussi dissoute lorsque le tribunal constate l'avènement de la condition apposée à l'acte constitutif, l'accomplissement de l'objet pour lequel la personne morale a été constituée ou l'impossibilité d'accomplir cet objet ou encore l'existence d'une autre cause légitime.  
2230. La société, outre les causes de dissolution prévues par le contrat, est dissoute par l'accomplissement de son objet ou l'impossibilité de l'accomplir, ou, encore, du consentement de tous les associés. Elle peut aussi être dissoute par le tribunal, pour une cause légitime.  
On procède alors à la liquidation de la société.  
2258. Le contrat de société, outre sa résiliation du consentement de tous les associés, prend fin par l'arrivée du terme ou l'avènement de la condition apposée au contrat, par l'accomplissement de l'objet du contrat ou par l'impossibilité d'accomplir cet objet.  
Il prend fin aussi par le décès ou la faillite de l'un des associés, par l'ouverture à son égard d'un régime de protection ou par un jugement ordonnant la saisie de sa part. 
[39]        La preuve révèle que depuis le milieu de l’année 2009, RC et EBR ont mis fin unilatéralement à la commercialisation et à la mise en marché des produits en exposant à la clientèle que les produits contenaient de l’amiante en dérogation avec la règlementation européenne. 
[40]        Depuis la même période, AEMI n’a effectué aucune démarche de vente, de commercialisation ou de distribution de ses produits. 
[41]        Au surplus, l’un des actionnaires minoritaires, RC (35 %), a entrepris une poursuite contre AEMI pour cause d’oppression. 
[42]        En outre, l’administrateur de la société, Jean Rossow, n’a convoqué aucune assemblée des actionnaires pour présenter les états financiers de la société n’y même pour informer les actionnaires qu’une poursuite était entamée par cette dernière. Le Tribunal voit mal comment la société pourrait continuer d’accomplir son objet alors que l’associé responsable de la distribution et de la commercialisation à travers le monde ne croit tout simplement plus à la qualité du produit. Nous sommes donc en présence d’un cas où il devient impossible d’accomplir l’objet pour lequel la compagnie a été constituée au sens des articles du Code civil du Québec mentionnés précédemment. Il y a donc lieu de faire droit à la demande de nomination d’un liquidateur pour procéder à la liquidation et au partage des actifs de la société.
Référence : [2014] ABD 172

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