dimanche 27 avril 2014

Dimanches rétro: les tribunaux ne peuvent accorder un montant plus élevé que ce que la partie demanderesse réclame dans ses procédures

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Rendre jugement ultra petita, c'est donner à une partie quelque chose qu'elle n'a jamais demandé. Les tribunaux québécois ne pourront donc pas ordonner, règle générale, un remède que personne n'a demandé. Dans Janacek c. Bell Canada (2001 CanLII 3700), la Cour d'appel indique qu'ils ne pourront pas non plus accorder un montant plus important que celui que la partie demanderesse a réclamé.
 

Dans cette affaire, l'Appelant se pourvoit à l'encontre d'un jugement qui l'a condamné à payer des dommages à l'Intimée. Il ne conteste pas sa responsabilité, mais s'attaque au quantum accordé.
 
En effet, l'Appelant a brisé un poteau propriété de l'Intimée. Cette dernière réclame en première instance la valeur amortie de ce poteau et les autres frais engendrés par le remplacement. L'Appelant fait valoir que l'amortissement doit s'appliquer non seulement au poteau, mais également aux autres coûts occasionnés par le remplacement de ce poteau.

Or, le juge de première instance, d'avis qu'il n'y a lieu d'appliquer aucun amortissement, accorde à l'Intimée un montant plus élevé que celui réclamé par l'Intimée.
 
Dans un jugement unanime rendu par les Honorables juges Proulx, Dussault et Forget, la Cour intervient pour réduire le quantum de la réclamation. Ce faisant, elle souligne que le juge de première instance ne pouvait accorder plus que ce qui était demandé:
[10]           Sans qu'il soit nécessaire de reprendre ici tout le raisonnement du premier juge, la Cour se limite à dire qu'elle fait siens ses motifs, sauf celui qui l'autoriserait à indemniser Bell Canada pour un montant supérieur à sa réclamation.  Le premier juge a été d'avis qu'il pouvait agir ainsi et ne pas tenir compte de l'amortissement dont Bell Canada avait réduit sa réclamation puisqu'il s'agirait d'une question de droit: 
La question posée par les parties est large:  Le taux d'amortissement doit s'appliquer sur quelle partie de la facture?  Il s'agit là d'une question de droit.  Or, les parties ne peuvent lier le Tribunal par des aveux réciproques sur un problème de droit.  En l'instance, tous les coûts de remplacement doivent être dédommagés par le tiers fautif vu que Bell subit réellement ces dommages directs et que le remplacement du poteau avec toutes les dépenses accessoires constitue une réparation de la ligne téléphonique. 
[11]           Par leurs admissions, les parties ont convenu d'un contrat judiciaire et le premier juge ne pouvait indemniser Bell Canada au-delà de sa réclamation sans se prononcer ultra petita.  Bien que le premier juge soit d'avis que l'amortissement est une question de droit (ce serait à tout le moins une question mixte de droit et de fait), il ne s'agit sûrement pas d'une matière d'ordre public (ex:  les questions relatives à l'état civil d'une personne) qui autoriserait une cour à passer outre au consentement des parties.  Bell Canada peut certes, en toute connaissance de cause, réduire sa réclamation, même si le premier juge pouvait penser qu'elle n'était pas tenue de le faire.  L'intimée et l'intervenante reconnaissent que le jugement doit être corrigé en ce sens.
Référence : [2014] ABD Rétro 17

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