samedi 1 mars 2014

Par Expert: à moins que l'expert n'y fasse référence, la partie adverse ne peut obtenir les versions préalables du rapport qu'il a déposé à la Cour

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Dans plusieurs juridictions de common law (même canadiennes), la partie adverse a le droit de voir toutes les versions du rapport qui est ultimement déposé par un expert à la Cour. Ce n'est cependant pas le cas au Québec, la Cour d'appel décidant dans Poulin c. Prat (1994 CanLII 5421) que le dépôt d'un rapport d'expert opère une renonciation au secret professionnel à l'égard de ce rapport et de ses sources, mais pas à l'égard des notes, brouillons et ébauches.
 

Dans le cadre d'un procès en responsabilité médicale, lors du contre-interrogatoire d'un expert de l'Intimé, le juge de première instance accueille certaines objections. C'est de ce jugement que l'Appelante se pourvoit.
 
L'objection qui nous intéresse spécifiquement pour les fins du présent billet est celle relative à la demande de l'Appelante d'obtenir tous les projets et brouillons du rapport d'expert déposé.
 
Dans un jugement unanime rendu sous la plume de l'Honorable Jacques Chamberland, la Cour confirme le jugement de première instance en majeure partie. Ainsi, à moins que l'expert réfère aux dits brouillons ou projets, ceux-ci demeurent protéger par le secret professionnel et ne peuvent faire l'objet d'une demande de communication:
Je ne partage pas l'avis de l'appelante. Le fait que le client, par son avocat, produise l'expert comme témoin constitue une renonciation au secret professionnel auquel cet expert était tenu; il peut donc révéler au tribunal les conclusions auxquelles il en est arrivé. Toutefois, cela ne constitue pas pour autant une renonciation au secret professionnel entourant le travail de l'avocat dans sa préparation de la défense des intérêts de son client. En ce sens, les communications entre l'avocat et l'expert, sauf circonstances particulières, demeurent confidentielles. D'ailleurs, les discussions entre l'avocat et le médecin dont il a retenu l'expertise ne relèvent pas du tout du secret médical, mais bien du secret de l'avocat, et continuent à être couvertes par le secret professionnel. Ces observations valent, bien sûr, tant pour les communications écrites que les communications orales que l'avocat et l'expert ont pu échanger dans le cadre de la défense des intérêts du client du premier. 
J'ajouterais deux autres remarques avant de passer à l'analyse des diverses objections formulées dans le présent dossier. Premièrement, le fait de produire un expert comme témoin ne doit pas permettre à la partie adverse d'exiger de ce témoin qu'il produise tout ce qu'il a en sa possession. Je pense ici notamment aux notes, brouillons et projets de rapport qu'il pourrait avoir colligés et écrits alors qu'il poursuivait l'étude du dossier et la réflexion qui devait le mener à la formulation de l'opinion définitive qu'il est maintenant appelé à partager avec le tribunal. 
[...] 
A mon avis, une partie a le droit de connaître les faits sur lesquels l'expert fonde son opinion. Dans cet esprit, elle a sûrement le droit de connaître les sources, documentaires ou autres, où l'expert a puisé cette information. Toutefois, pour les raisons que j'exprimais précédemment, elle n'a pas, pour autant, le droit d'obtenir de l'expert qu'il produise les notes, brouillons et projets de rapport qui ont mené à la rédaction de son rapport d'expertise final.
Référence : [2014] ABD Expert 9
 

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