samedi 11 janvier 2014

Par Expert: le test de la pertinence est plus rigoureux lorsqu'il s'agit d'une expertise

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

La semaine dernière, dans la première édition de Par Expert, nous discutions des critères de recevabilité de l'expertise. Un de ces critères, comme c'est le cas pour toute preuve en matière civile, est la pertinence de cette preuve. Or, comme le soulignait la Cour suprême dans l'affaire R. c. J-L J. ([2000] 2 R.C.S. 600), la pertinence pour une expertise s'évalue selon une norme plus exigeante.


L’Intimé dans cette affaire avait été inculpé d’avoir commis une série d’agressions sexuelles sur deux jeunes garçons.  En première instance, il a fait témoigner un psychiatre dans le but d’établir que, selon toute probabilité, l’auteur des mauvais traitements qui comprenaient des relations sexuelles anales était une personne atteinte d’une déviance sexuelle grave, et que divers tests administrés à l’Intimé, dont une pléthysmographie pénienne, ne révélaient aucun trait de personnalité déviant de la sorte. 
 
À la suite d’un voir-dire, le juge du procès a exclu la preuve d’expert pour le motif qu’elle paraissait démontrer seulement une absence de prédisposition générale et qu'elle ne rencontrait pas les critères établis par l'arrêt Mohan.  L’accusé a été déclaré coupable.  La Cour d’appel à la majorité a accueilli l’appel de l’accusé et ordonné la tenue d’un nouveau procès pour le motif que la preuve d’expert avait été exclue à tort.
 
Dans un jugement unanime rédigé par l'Honorable juge Ian Binnie, la Cour renverse le jugement de la Cour d'appel et rétablie le verdict de première instance étant d'avis que la preuve d'expert a correctement été exclue.
 
Ce faisant, le juge Binnie indique que la preuve d'expert répond à une norme de pertinence plus exigeante que la preuve en général:
47                               Une preuve est pertinente [traduction] «lorsque, selon la logique et l’expérience humaine, elle tend jusqu’à un certain point à rendre la proposition qu’elle appuie plus vraisemblable qu’elle ne le paraîtrait sans elle» (D. M. Paciocco et L. Stuesser, The Law of Evidence (1996), à la p. 19).  Comme la notion de pertinence constitue un seuil peu élevé («tend jusqu’à un certain point»), l’arrêt Mohan a incorporé dans l’exigence de pertinence une analyse du coût et des bénéfices afin de déterminer «si la valeur en vaut le coût» (p. 21) en ce qui concerne son incidence sur le déroulement du procès.  Les critères d’admissibilité applicables sont donc la pertinence, la fiabilité et la nécessité par rapport au délai, au préjudice, à la confusion qui peuvent résulter:  R. J. Delisle, «The Admissibility of Expert Evidence:  A New Caution Based on General Principles» (1994), 29 C.R. (4th) 267.  Qu’il soit considéré comme un aspect de la pertinence ou comme une règle d’exclusion générale, «[l]e facteur fiabilité‑effet revêt une importance particulière dans l’appréciation de l’admissibilité de la preuve d’expert» (Mohan, à la p. 21). 
[...] 
56                               Dans l’arrêt Mohan, le juge Sopinka a conclu que la preuve d’expert en question devait être plus que simplement utile.  Il a exigé que l’opinion d’expert soit nécessaire:  «au sens qu’elle fournit des renseignements “qui, selon toute vraisemblance, dépassent l’expérience et la connaissance d’un juge ou d’un jury” [. . .] la preuve doit être nécessaire pour permettre au juge des faits d’apprécier les questions en litige étant donné leur nature technique» (p. 23).  Dans l’arrêt Béland, précité, à la p. 415, le juge McIntyre a, au sujet de l’inadmissibilité de la preuve obtenue au moyen d’un test polygraphique, cité la décision Davie c. Magistrates of Edinburgh, [1953] S.C. 34, portant sur le rôle des témoins experts et dans laquelle lord Cooper a dit (à la p. 40):
Référence: [2014] ABD Expert 2
 

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