jeudi 2 janvier 2014

Les enseignements de la Cour d'appel sur les droits acquis

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

La théorie des droits acquis est particulièrement difficile à comprendre et appliquer. En effet, le législateur enlève régulièrement des droits aux justiciables sans qu'il ne soit question de droits acquis. Pour faire valoir cette théorie, des circonstances bien particulières doivent exister. C'est ce qu'expliquait récemment la Cour d'appel dans Anglade c. Québec (Procureur général) (2013 QCCA 2179).
 

Les Appelants, des membres du Tribunal administratif du Québec, se pourvoient contre le jugement de première instance qui a rejeté leur requête en jugement déclaratoire. Ils demandaient en effet à la Cour supérieure de déclarer que l’adoption de la Loi modifiant la Loi sur la justice administrative et d'autres dispositions législatives ne les avait pas privés du droit à l'allocation de transition prévue à l’article 24 du Règlement sur la rémunération et les autres conditions de travail des membres du Tribunal administratif du Québec.

Un de leurs arguments principaux en appel est l'existence de droits acquis en leur faveur.
 
C'est dans ce contexte que l'Honorable juge Guy Gagnon, au nom d'un banc unanime, fait état des circonstances qui doivent exister pour que l'on puisse conclure à l'existence de droits acquis:
[21]        La notion de « droit acquis » est difficile à cerner. 
[22]        Selon le professeur Côté, la reconnaissance d’un droit acquis exige que la situation juridique du justiciable soit individualisée et concrète. Ces conditions doivent être existantes au moment de l’abrogation de la loi constitutive des droits revendiqués. Ces principes ont été reconnus par la Cour suprême dans l’arrêt Dikranian c. Procureur général du Québec
[23]        Cet arrêt avait été précédé de deux autres arrêts rendus par le plus haut tribunal du pays qui encore aujourd’hui continuent à faire autorité en matière de droit acquis. Il y a eu d’abord l’arrêt Gustavson Drilling (1964) Ltd. c. Ministre du Revenu national où on y lit notamment que 
Le simple droit de se prévaloir d’un texte législatif abrogé, dont jouissent les membres de la communauté ou une catégorie d’entre eux à la date de l’abrogation d’une loi, ne peut être considéré comme un droit acquis.
[24]        Quelques années plus tard, la Cour suprême écrivait dans l'arrêt Procureur général c. Le Tribunal de l'expropriation : 
Un droit acquis est un droit qui est né et qui produit des effets. Cela ne comprend pas un droit dont on aurait pu se prévaloir, mais dont on ne s'est pas prévalu et que la loi n'accorde plus. La jurisprudence et les auteurs distinguent entre un droit acquis et ce qu'ils appellent tantôt une expectative tantôt une faculté. 
[25]        Je retiens de ces enseignements que la possibilité de se prévaloir d’un droit ne saurait constituer à elle seule un droit acquis. Même si au moment de l’abrogation du texte législatif le droit invoqué est déjà suffisamment individualisé en faveur du justiciable qui le revendique, ce dernier doit aussi démontrer avoir pris en temps utile les mesures nécessaires à sa mise en œuvre.

Référence : [2014] ABD 3

Autres décisions citées dans le présent billet:

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