lundi 13 janvier 2014

Les circonstances dans lesquelles une compagnie peut être tenue responsable des agissements de son actionnaire

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Nous discutons régulièrement ensemble de la levée du voile corporatif, i.e. la responsabilité d'un actionnaire pour les gestes posés par la compagnie. Cet après-midi, nous parlons de l'inverse, c'est-à-dire la possibilité que la compagnie soit tenue responsable des gestes posés par l'actionnaire. Peut-on renverser le voile corporatif? Non, mais on peut tenir une compagnie responsable pour son implication dans un acte fautif commis par l'actionnaire comme l'indique l'affaire 2553-5154 Québec inc. c. Services sanitaires Lebel inc. (Déneigement Lebel) (2013 QCCS 6126).
 

Dans cette affaire, la Demanderesse intente des procédures en dommages contre les Défendeurs alléguant qu'ils sont solidairement responsables non réalisation de la vente de deux camions. En effet, la Demanderesse allègue avoir initialement conclut un contrat avec le Défendeur (actionnaire de la Défenderesse) pour la vente desdits camions et que le Défendeur s'est ensuite servi de la compagnie Défenderesse pour essayer de faire fi de ses obligations contractuelles.
 
L'Honorable juge Dominique Goulet, après avoir souligné la personnalité juridique distincte de la compagnie Défenderesse, en vient à la conclusion que cette dernière peut être tenue responsable non pas en vertu de la levée du voile corporatif, mais bien en raison de sa participation active dans un acte fautif:
[77] S’il est exact d’affirmer que la compagnie «Services Sanitaires Lebel Inc.» possède une personnalité juridique distincte du codéfendeur Lebel, cela ne signifie nullement qu’elle est sans responsabilité. 
[78] En l’espèce, le défendeur est l’actionnaire principal de la compagnie. 
[79] Ensuite, il ressort de la preuve que M. Lebel est l’âme dirigeante de cette compagnie et prend les décisions impliquant celle-ci. 
[80] Toute personne qu’elle soit physique ou morale doit se comporter en respectant les règles de conduite qui suivant les usages ou la Loi, s’imposent à elle, de manière à ne pas causer préjudice à autrui (art. 1457 C.c.Q.). 
[81] De même, toute personne est tenue d’exercer ses droits civils selon les exigences de la bonne foi (art. 6 C.c.Q.). 
[82] Dans le même ordre d’idées, aucun droit ne peut être utilisé en vue de nuire à autrui ou d’une manière excessive ou déraisonnable, allant ainsi à l’encontre des exigences de la bonne foi (art. 7 C.c.Q.). 
[83] L’ensemble de ces principes nous rappelle l’importance de se comporter en toute bonne foi, de manière raisonnable et non en vue de nuire à autrui. 
[84] En l’espèce, la conduite des défendeurs y incluant la compagnie défenderesse ne respecte pas ces normes minimales. 
[85] Le témoignage même du défendeur illustre un malaise à l’égard de l’implication soudaine de la compagnie co-défenderesse. 
[86] Voilà sans doute pourquoi, il tente de nier sa signature à la deuxième entente. 
[87] Il tente ainsi de démontrer l’absence de lien entre la demanderesse et la co-défenderesse. 
[88] Toutefois un fait demeure. L’arrivée soudaine de la compagnie défenderesse n’avait pour objectif que d’éviter le respect d’une entente dûment signée.  
[89] La corporation défenderesse est partie à ce stratagème.  
[90] Ce faisant elle n’a pas agi selon les exigences de bonne foi.
Référence: [2014] ABD 18

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