mercredi 15 janvier 2014

Le droit de passage en cas d'enclave doit être une nécessité et non un droit de passage de commodité

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Nous ne discutons pas très souvent du droit de la propriété sur le blogue parce que c'est loin d'être un domaine où j'ai beaucoup d'expérience (p.s. le barreau n'aime pas que les avocats parle d'expertise dans un domaine du droit), mais je reçois beaucoup de questions sur le sujet. C'est pourquoi j'ai décidé cet après-midi d'attirer votre attention sur l'affaire Bureau c. 9258-3855 Québec inc. (2014 QCCS 42) où l'Honorable juge André Prévost fait une belle revue des principes applicables en matière d'enclave.


Dans cette affaire, le juge Prévost est saisi de procédures judiciaires dans lesquelles il doit déterminer  s'il existe ou non un droit de passage sur la propriété des Défenderesses permettant l’accès à la cour arrière de la propriété des Demandeurs où se situe une remise. Pour trancher cette question, il doit d'abord déterminer si la propriété des Demandeurs est enclavée au sens de la loi.
 
C'est dans ce contexte que le juge Prévost rappelle les principes applicables en matière d'enclave, dont le fait qu'on ne peut parler d'un enclave lorsque le droit de passage requis est une question de commodité, mais bien seulement lorsqu'il s'agit d'une nécessité:
[39] L’auteur Denys-Claude Lamontagne nous rappelle que l’enclave est un état de fait, d’interprétation restrictive. 
[40] L’enclave peut être physique (ou juridique) lorsque le fonds n’a pas d’issue sur la voie publique. 
[41] Cela n’est clairement pas le cas ici puisque l’Immeuble possède un accès au boulevard Ste-Foy sur toute sa largeur, soit sur 7,62 mètres. 
[42] L’enclave peut aussi être économique. C’est le cas du fonds qui possède une sortie sur la voie publique, mais elle s’avère insuffisante, difficile ou impraticable quels que soient les frais engagés. Il pourra s’agir aussi du cas ou l’aménagement de l’issue nécessaire demanderait des dépenses hors de proportion avec la valeur ou l’exploitation du fonds ou d’une partie de ce fonds. La jurisprudence considère raisonnable le coût de construction d’une issue à la voie publique se situant entre 10 % et 15 % de la valeur de l’immeuble. 
[43] Mais ici, répétons-le, seule la cour arrière n’a pas d’accès de l’extérieur à la voie publique. Les demandeurs peuvent cependant y accéder de l’intérieur de la maison. En ce sens, cette situation ressemble beaucoup à celle d’une multitude de propriétés en rangée, notamment à Brossard ou à l’Ile-des-Sœurs, dont la cour arrière n’est accessible que de l’intérieur. Ceci ne correspond pas à une situation d’enclave. 
[44] Les demandeurs soutiennent que l’aménagement intérieur de la maison ne leur permet pas d’y passer leurs bicyclettes de la remise à la porte avant de leur propriété. Cet argument ne peut être retenu. En effet, certaines modifications mineures, engageant de modestes frais, permettrait d’élargir le passage de manière suffisante à cet égard. 
[45] Les principes applicables à l’enclave et au droit de passage sont bien résumés par le juge André Denis dans Nigro c. Les constructions Beau Design Inc.
[39] Une revue des auteurs et de la jurisprudence sur la question nous permet d’énoncer à grands traits les principes applicables en l’espèce.  
- L’enclave s’entend de la situation d’un fonds qui n’a aucune issue sur la voie publique et qui se trouve, de ce fait, dans une situation qui nuit à son exploitation.  
- La simple tolérance ne donne pas droit de passage.  
- Le droit de passage ne sera pas accordé si l’enclave résulte d’un acte matériel accompli par le propriétaire du fonds enclavé.  
- Le passage accordé par la loi est un passage de nécessité et non un passage de commodité.  
- Le passage est accordé là où il cause le moins de dommages.  
- L’enclave économique doit être démontrée par celui qui l’invoque.  
- La Cour doit tenir compte du poids des inconvénients pour le propriétaire du fonds servant et du fonds enclavé.  
[références omises; leTribunal souligne] 
[46] L’auteur des demandeurs qui a procédé à la construction de l’annexe au cours de la décennie 1940 est responsable de cet état de fait. Bien sûr, comme il était aussi le propriétaire du lot voisin, qui appartient aujourd’hui à 9258, l’accès à la cour arrière ne présentait pas de difficulté. Mais lorsque ce dernier lot a été vendu le 24 août 1978, dans la mesure où le propriétaire de l’Immeuble désirait conserver un accès extérieur à sa cour arrière, il devait prévoir une servitude de passage, ce qu’il n’a pas fait. 
Référence : [2014] ABD 22

Autre décision citée dans le présent billet:

1. Nigro c. Les constructions Beau Design Inc., 2001 CanLII 10364 (C.S.).

1 commentaire:

  1. Bonjour .

    Depuis plus de 40 ans j' ai accès au fleuve avec des droits de passages pour accéder à l' arrière de ma maison, et au fleuve, un litige survenir en début de 2016 avec le propriétaire qui est construit en bordure du fleuve veut que je sois interdis tout d' un coup d' utiliser ces droits, pensez vous autres que les droits de servitudes attachés à ma maison peuvent m' être enlevés ? puis-je revendiquer des droits d' acquis sur ce droit d' accès au fleuve donnés de grand père , à père, et par la suite aux fils.

    Compliqué ? merci de me donner une petite idée ou conseil.

    Guy Paré

    RépondreEffacer

Notre équipe vous encourage fortement à partager avec nous et nos lecteurs vos commentaires et impressions afin d'alimenter les discussions à propos de nos billets. Cependant, afin d'éviter les abus et les dérapages, veuillez noter que tout commentaire devra être approuvé par un modérateur avant d'être publié et que nous conservons l'entière discrétion de ne pas publier tout commentaire jugé inapproprié.