mardi 7 janvier 2014

La décision de limiter la durée d'interrogatoires préalables appartient à l'exercice d'un pouvoir de gestion d'instance et n'est, règle générale, pas susceptible d'appel

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

La nouvelle réalité de la procédure (oui, je sais qu'elle n'est plus si nouvelle...) est centrée sur la proportionnalité. Et qui dit proportionnalité dit généralement gestion d'instance. C'est donc sans surprise que la Cour d'appel ne soit pas friande à l'idée d'intervenir dans les décisions de gestion d'instance qui visent à assurer que le déroulement d'un recours obéit à la règle de la proportionnalité comme le souligne l'affaire Dufour c. Havrankova (2013 QCCA 2218).


Dans cette affaire, les Requérantes recherchent la permission d'en appeler d'un jugement interlocutoire qui a limité la durée de l'interrogatoire préalable de trois médecins (3 heures pour chacun des deux premiers et 5 heures pour le troisième).

Saisi de cette demande de permission, l'Honorable juge Nicholas Kasirer est d'opinion que l'affaire ne mérite pas d'être soumise à un banc complet de la Cour. En effet, il souligne qu'il s'agit essentiellement d'un jugement de gestion d'instance, lequel n'est en principe pas sujet à l'intervention de la Cour:
[9] Je me garde de conclure que le jugement est sujet à appel en application de l’article 29 C.p.c. La limitation de la durée des interrogatoires à ce stade-ci n’implique pas forcément le préjudice allégué par les requérantes puisqu’elles auront toujours la possibilité d’assigner les intimés à titre de témoins au procès. Plus encore, comme les parties ont reconnu à l'audience, il ne semble pas y avoir d'empêchement dirimant à ce qu'on demande, à nouveau, à un juge gestionnaire d'autoriser un prolongement des interrogatoires si les circonstances s'y prêtent. Le caractère évolutif de la gestion d'instance dans ce contexte laisse croire que le jugement entrepris n'ordonne pas que soit faite une chose à laquelle le jugement final ne peut remédier. 
[10] Mais même si, aux fins de l’argument, on accepte que le jugement soit sujet à appel, j’estime que le critère de l’article 511 C.p.c. n’est pas satisfait dans les circonstances. En fixant la date, l’ordre et la durée des interrogatoires, le juge exerce le pouvoir discrétionnaire qui se rattache à la gestion d’instance. Règle générale, il convient de faire preuve de retenue devant ce genre de décision puisque la bonne marche de la justice avant le procès milite en faveur de la reconnaissance d’une importante marge de manoeuvre aux juges appelés à gérer l’instanc. Tout indique que la décision du juge a été prise en tenant compte du principe de proportionnalité - considération primordiale dans la gestion d'instance -et, en l'absence d'une erreur flagrante, sa décision se prête mal à un réexamen en appel. J'estime qu'un appel de ce jugement serait voué à l’échec. 
[11] Certes, on pourrait faire une lecture différente de la situation si les requérantes avaient présenté un argument sérieux que le jugement a pour effet de violer l’article 15 de la Charte. Mais la simple lecture des motifs sommaires du juge, dans leur ensemble, indique que sa décision de limiter les interrogatoires est prise non pas en fonction d’un quelconque statut privilégié des médecins par rapport au commun des mortels, mais plutôt, comme il le note,« [c]onsidérant la règle et le principe de proportionnalité [...] ».Bien entendu, il ne faudrait pas empêcher un interrogatoire adéquat d'un défendeur dans une cause de responsabilité médicale seulement en raison de son statut de médecin mais, à ma lecture, ce n'est pas ce que le juge a fait.  
[12] Au final, même en admettant que le jugement soit sujet à appel, les fins de la justice ne requièrent pas que la permission soit accordée
Référence : [2014] ABD 10

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