jeudi 26 décembre 2013

L'obligation de remettre les lieux en état ne commence à courir qu'à partir de la date de fin du bail commercial

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

L'application des règles de la prescription en matière contractuelle nécessite l'établissement de la date d'exigibilité d'une obligation. En effet, c'est à partir de cette date que l'on comptera le délai de prescription. Dans l'affaire Technostructur inc. c. Domtar Expetech inc. (2013 QCCS 6104), l'Honorable juge Yves Tardif indique que l'obligation pour le locataire de remettre les lieux en état naît à la date de fin du bail.
 


Dans cette affaire, plaidant violation de l’obligation de la Défenderesse de remettre les lieux loués dans le même état qu’ils étaient lorsqu’elle en a pris possession, la Demanderesse intente des procédures en dommages contre les Défenderesses (la locataire et sa compagnie mère garante de ses obligations).
 
Les Défenderesses font valoir qu'une partie importante de cette réclamation est prescrite puisque intentée plus de 3 ans après la date où le droit d'action est né. Semblant concéder en partie l'argument, la Demanderesse cherche à amender ses procédures à la baisse, mais cet amendement est contesté par les Défenderesses et refusé par la Cour (les raisons de ce refus n'apparaissent pas au jugement présent).
 
Le juge Tardif doit donc se prononcer sur l'argument de la prescription. À cet égard, il indique que les prétentions des Défenderesses sont mal fondées puisque l'obligation de remettre les lieux en état naît à la date de fin du bail et non pas au moment où un item devrait être remplacé pendant la durée du bail par exemple:
[14]        Même si on retrouve à la requête introductive d’instance « des déboursés et dommages pour des travaux et achats effectués, ou à être effectués » avant le 21 juillet 2007, la Cour est d’avis que les prétentions des défenderesses sur cette question sont mal fondées. En effet, conformément à l’article 11.2 du bail et à l’article 1890 du Code civil, l’obligation des locataires de remettre les lieux loués en bon état ne prenait effet qu’à la fin du bail, soit le 31 juillet 2007. Entre-temps, même si la peinture était délabrée, qu’un réfrigérateur appartenant à Technostructur avait été vendu lors de l’encan au printemps 2006 et que des cadres en métal étaient endommagés, rien n’obligeait Expetech à remédier à ces défauts avant la fin du bail. Une fois le réfrigérateur vendu au printemps 2006, rien n’empêchait Expetech d’en acheter un neuf et de le laisser sur place le 31 juillet 2007. Si Expetech n’avait pas d’objection à exploiter son entreprise avec des murs ayant besoin d’être peinturés, rien ne l’empêchait de ce faire à la condition qu’elle remédie à cet état de choses au plus tard le 31 juillet 2007. Il en était de même des cadres en métal endommagés. Si ceux-ci ne portaient pas atteinte à la structure de l’édifice - et rien ne laisse croire que tel pouvait être le cas - , Expetech pouvait continuer l’exploitation de son entreprise dans ces conditions et remédier à cette situation au plus tard le 31 juillet 2007. Si, avant le 1er août 2007, Technostructur avait poursuivi les défenderesses pour les défauts énumérés ci-dessus, celles-ci n’auraient-elles pas été en droit de plaider que l’action de Technostructur était prématurée puisque leur obligation de remettre les lieux en état ne prenait effet que le 31 juillet 2007? 
[15]        Cette interprétation est la logique même. En effet, supposons un bail de cinq ans. Un an et demi après le début du bail, le bailleur constate des dégradations qui ne mettent pas en péril l’immeuble et qui n’empêchent pas le locataire de l’utiliser. Doit-il agir et prendre action dans les trois années qui suivent - donc six mois avant la fin du bail - ou peut-il attendre à la fin du bail avant d’instituer des procédures judiciaires? Si c’est la première partie de l’alternative qui s’impose, cela signifie que le bailleur devra poursuivre le locataire avant même la fin du bail alors que celui-ci pourrait remédier aux dommages le dernier jour du bail. Ce n’est certes pas ce qui est envisagé par le Code civil. Ni même par le bon sens. 
[16]        Cet argument est donc mal fondé et il faut étudier au fond la réclamation de Technostructur.
Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/1hFfLnM

Référence neutre: [2013] ABD 515

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