Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.
La jurisprudence québécoise nous enseigne simultanément que l'entente sur le déroulement de l'instance est un contrat judiciaire et qu'il ne s'agit pas d'un document rigide qui doit faire perdre des droits aux parties impliquées. Comment réconcilier ces deux réalités? Bonne question. Pour ma part, j'aime bien l'approche adoptée par l'Honorable juge Richard P. Daoust dans Busque c. Union canadienne (L') compagnie d'assurances (2013 QCCQ 15390).
Dans cette affaire, les parties conviennent d'une entente sur le déroulement de l'instance qui prévoit l'interrogatoire du Demandeur par la Défenderesse avant défense. Or, la Défenderesse ne se manifeste pas dans les délais et ne produit pas non plus sa défense dans le délai imparti. Après avoir reçu une inscription par défaut, la Défenderesse dépose finalement sa défense.
Elle demande ensuite à interroger le Demandeur, ce que ce dernier refuse puisque le délai imparti est expiré. Le Demandeur inscrit de plus pour enquête et audition.
La question qui se pose donc est celle de savoir si la Défenderesse peut toujours interroger le Demandeur. Le juge Daoust en vient à la conclusion qu'en l'absence de retard causé par cet interrogatoire et de préjudice pour le Demandeur, il n'y a pas lieu d'empêcher la Défenderesse d'interroger au préalable:
Dans cette affaire, les parties conviennent d'une entente sur le déroulement de l'instance qui prévoit l'interrogatoire du Demandeur par la Défenderesse avant défense. Or, la Défenderesse ne se manifeste pas dans les délais et ne produit pas non plus sa défense dans le délai imparti. Après avoir reçu une inscription par défaut, la Défenderesse dépose finalement sa défense.
Elle demande ensuite à interroger le Demandeur, ce que ce dernier refuse puisque le délai imparti est expiré. Le Demandeur inscrit de plus pour enquête et audition.
La question qui se pose donc est celle de savoir si la Défenderesse peut toujours interroger le Demandeur. Le juge Daoust en vient à la conclusion qu'en l'absence de retard causé par cet interrogatoire et de préjudice pour le Demandeur, il n'y a pas lieu d'empêcher la Défenderesse d'interroger au préalable:
[16] Bien sûr, les parties auraient pu convenir de l'interrogatoire du demandeur et celui d'un représentant de la défenderesse à la même date après la production de la défense qui peut, évidemment, toujours être amendée après la tenue d'un interrogatoire.
[17] Ce n'est pas le choix que les parties ont fait. Puisqu'un interrogatoire n'a pas eu lieu avant le 20 septembre et que le demandeur a inscrit pour enquête et audition au mérite même s'il avait jusqu'au 3 janvier 2014 pour ce faire, l'Union Canadienne peut-elle toujours interroger le demandeur ?
[18] Cet interrogatoire ne risque pas de retarder l'instance qui de toute manière, n'a pas été fixée au mérite lors de l'appel des causes le 9 décembre, comme elle l'aurait pu l'être.
[19] En conséquence, la cause ne pourra être entendue au mérite qu'au plus tôt en mai ou juin 2014.
[20] Il y a donc suffisamment de temps pour permettre cet interrogatoire sans préjudice pour le demandeur.
[21] Bien qu'en principe, l'objectif de l'interrogatoire est la préparation de la défense, rien n'empêche des amendements si l'interrogatoire révèle des faits non connus par la défenderesse. À tout prendre, l'interrogatoire peut permettre de préparer la défense lors du procès.
[22] Soutenir que cet interrogatoire n'est plus possible puisque tenu à l'extérieur des dates convenues dans l'échéancier m'apparaît d'une trop grande rigidité.
[23] Comme le mentionne d'ailleurs la Cour d'appel dans l'affaire Hardox, l'objectif d'un échéancier n'est pas d'imposer un carcan rigide destiné à faire perdre des droits à des parties sans raison sérieuse.
[24] D'ailleurs, il est bon de rappeler ce que la Cour suprême du Canada a déclaré dans l'affaire Glegg:
La procédure d'interrogatoire préalable favorise la divulgation de la preuve dans l'intérêt de la conduite juste et efficace des procès. (…) Dans ce contexte, l'accès à la preuve pertinente demeure inévitablement relié au droit du défendeur de préparer ou de présenter une défense pleine et entière.
[25] Les auteurs Ferland et Emery dans leur Précis de procédure civile expliquent relativement au principe de la maîtrise du dossier par les parties que dans ce contexte procédural, il leur incombe d'agir selon les exigences de la bonne foi, sans nuire à autrui, ni d'une manière excessive ou déraisonnable.
Référence : [2013] ABD 519[26] Partant, il ne m'apparaît pas raisonnable que la défenderesse perde son droit à un interrogatoire du demandeur uniquement parce que le délai est expiré, d'autant que cela ne cause pas de préjudice aux parties.
Autre décision citée dans le présent billet:
1. SSAB Hardox c. McCarthy, 2006 QCCA 152.
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