lundi 16 décembre 2013

En matière contractuelle, seuls les dommages qui sont la conséquence immédiate et directe de la faute peuvent être accordés, et ce même si cette faute est intentionnelle

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

En cas de violation contractuelle, le droit québécois ne permet au créancier lésé que d'obtenir les dommages qui étaient prévisibles au moment de la conclusion du contrat, à moins que la faute commise par le débiteur soit lourde ou intentionnelle. Cependant, même dans ce dernier cas, les dommages qui pourront être réclamés sont ceux qui sont une conséquence directe et immédiate de la faute comme le rappelle la Cour d'appel dans 6019315 Canada inc. (Construction LMA) c. Chasles (2013 QCCA 2149).
 

Dans cette affaire, l'Intimé fait l'acquisition d'un terrain de l'Appelante sur lequel il entend construire une maison. Cependant, l'Appelante fait sciemment omission d'informer l'Intimé du fait que le zonage du terrain empêche la construction d'une telle maison.
 
L'Intimé intente donc des procédures en dommages. Après l'audition au mérite de l'affaire, le juge de première instance lui accorde la somme de 28 580$ pour le profit qu'il aurait réalisé en construisant la maison et la revendant.
 
L'Appelante se pourvoit et plaide que le juge s'est mépris dans l'évaluation des dommages.
 
Un banc unanime formé des Honorables juges Dalphond, Giroux et Savard rappelle d'abord les principes applicables en matière de dommages contractuels:
[12]        Selon les articles 1607 et 1613 C.c.Q., l’auteur d’une faute contractuelle n’est tenu d’indemniser la victime que pour les dommages qui ont un lien causal direct avec la faute reprochée, et ce, même si celui-ci a commis une faute intentionnelle. 
[13]        Dans l’arrêt Ciment Québec Inc. c. Stellaire Construction Inc., le juge Chamberland exposait clairement les règles applicables aux dommages en matière contractuelle :
35 En matière contractuelle, comme en l'espèce, le débiteur n'est tenu que des suites immédiates, directes et prévisibles de ses actes sauf si l'inexécution de son obligation est due à une faute intentionnelle ou à une faute lourde de sa part, auquel cas il sera tenu de toutes les suites immédiates et directes de ses actes, même de celles qui étaient imprévisibles au moment où l'obligation inexécutée a été contractée (articles 1607 et 1613 C.c.Q.). […]
La Cour en vient à la conclusion que le juge de première instance s'est mal dirigé sur la question des dommages. En effet, la perte du profit anticipé sur la construction et la revente de la maison n'est pas directement et immédiatement relié à la faute commise. Le juge aurait plutôt dû quantifier le montant additionnel que l'Intimé aurait dû débourser pour acheter un autre terrain en prenant en considération la hausse des prix immobiliers:
[16]        Si l’intimé avait été dûment informé en 2009 de l’existence du règlement de zonage et de la possibilité que sa maison semi-détachée ne puisse être construite à l’endroit prévu advenant le refus de la municipalité de le modifier, celui-ci aurait pu décider soit de prendre un tel risque et de néanmoins conclure le contrat avec l’appelant ou, soit de ne pas assumer un tel risque et de se porter immédiatement acquéreur d’une autre maison afin de profiter des prix en vigueur en 2009.  
[17]        Il découle implicitement du jugement attaqué, que le juge a retenu que l’intimé aurait alors choisi de se porter acquéreur d’une autre résidence. En pareil contexte, l’augmentation du marché résidentiel pendant la période du défaut d’information constitue un préjudice causé à l’intimé, qui est une suite immédiate et directe de la faute de l’appelante.  
[18]        Ce préjudice est distinct du « profit » que l’intimé aurait pu anticiper si la maison convenue entre les parties avait été construite à l’emplacement convenu, une impossibilité, et ne s’évalue pas de la même façon.
Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/19paeQq

Référence neutre: [2013] ABD 500

Autre décision citée dans le présent billet:

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