mercredi 9 octobre 2013

Le fait de prévoir précisément les circonstances dans lesquelles le client pourra mettre fin à un contrat de service emporte implicitement une renonciation au droit de résiliation unilatérale

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

L'article 2125 C.c.Q. donne au client dans le cadre d'un contrat de services de résilier unilatéralement celui-ci en tout temps. Or, les tribunaux québécois nous enseignent que le client peut renoncer contractuellement à ce droit dans la mesure où cette renonciation est claire et manifeste. Dans 2842-0727 Québec inc. c. Biogénie, division d'Englobe Corp. (2013 QCCS 11524), l'Honorable juge Lina Bond en vient à la conclusion que le fait pour les parties d'avoir prévues contractuellement les situations exactes dans lesquelles le client pouvait résilier le contrat de services emporte implicitement renonciation au droit de résiliation unilatérale de l'article 2125 C.c.Q.


Dans cette affaire, les Demandeurs ont institués des procédures en dommages suite à la résiliation unilatérale du contrat intervenu entre eux et la Défenderesse. Cette dernière plaide qu'il s'agit d'un contrat de service auquel elle pouvait mettre fin unilatéralement en tout temps en vertu de l'article 2125 C.c.Q.
 
La juge Bond en vient effectivement à la conclusion qu'il s'agit d'un contrat de service. Cependant, elle conclut également que la Défenderesse a implicitement renoncé à ce droit de résiliation unilatérale en signant un contrat avec les Demandeurs qui prévoit spécifiquement les circonstances dans lesquelles elle pourra résilier ledit contrat:
La jurisprudence est à l'effet que la renonciation à se prévaloir de la résiliation sans motif (2125 C.c.Q.) doit être non équivoque. 
Voici ce que déclare le juge Marc Lesage dans For-Net (Québec) inc. c. Université du Québec à Trois-Rivières : 
[150] […] À moins qu'il y ait eu renonciation non équivoque, on reconnaît le droit strict à l'exercice du droit de résiliation unilatérale, même si la partie échoue dans la démonstration du bien-fondé des motifs qu'elle a invoqués. C'est l'appréciation de l'exercice du droit de résiliation unilatérale qui sera alors évaluée. 
[…]  
[157] L'exercice du droit de résiliation unilatérale de manière déraisonnable et incompatible avec les exigences de la bonne foi donnera ouverture à une réclamation en dommages. Une telle réclamation sera également possible s'il y a eu exercice abusif ou transgression des clauses de résiliation prévues au contrat, même si le Tribunal conclut que celles-ci n'avaient pas pour effet d'écarter l'application de l'article 2125 C.c.Q., mais qu'elles en modulaient l'exercice. 
Dans le cas actuel, les parties ont convenu de se lier par un contrat écrit. Les multiples clauses énoncées régissent leurs relations et attestent de leurs intentions respectives. 
Le Tribunal estime qu'en limitant la résiliation unilatérale par Sila à trois situations, ceci constitue une renonciation non équivoque à invoquer la résiliation sans motif pendant la durée du contrat. Sinon, il serait inutile de négocier les clauses et préciser trois situations spécifiques pour ensuite annihiler tout effet en invoquant le droit à la résiliation sans motif. Ceci irait même à l'encontre de la bonne foi car le prestataire se verrait opposer une résiliation sans motif jamais spécifiée au contrat. Comme l'énonce notre collègue, André J. Brochet, J.C.Q. dans Gagné c. 9190-3559 Québec inc. :  
[70] La bonne foi contractuelle, c'est l'attitude d'un contractant qui s'engage suivant des conditions connues par le cocontractant, évitant ainsi de le surprendre dans l'exécution du contrat.
Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/GGVe4X

Référence neutre: [2013] ABD 404

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