lundi 14 octobre 2013

Le fait de forcer un employé à choisir entre un congédiement pour cause et une démission avec indemnité de départ ne constitue pas un vice de consentement justifiant l'annulation de l'entente

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Donner un consentement libre et éclairé ne veut pas nécessairement dire être dans une situation parfaite où l'on bénéficie d'un certain pouvoir de négociation. En effet, il n'est pas inhabituel pour une partie au contrat d'avoir à choisir entre deux ou plusieurs options qui ne font pas spécialement sont affaire. L'affaire Yip c. Pneus Supérieurs inc. (2013 QCCS 4858) illustre bien cette réalité.


Dans cette affaire, le Demandeur allègue avoir été congédié sans cause juste et suffisante. La Défenderesse conteste cette réclamation, alléguant non seulement avoir eu une cause suffisante pour le congédier, mais également une entente de règlement par laquelle le Demandeur a accepté de démissionner en retour d'une indemnité de départ.
 
Le Demandeur recherche la nullité de cette entente, plaidant que son consentement n'était pas libre et éclairé. En effet, lors d'une rencontre à porte fermée, la Défenderesse lui aurait indiqué qu'il avait le choix entre être congédié pour cause ou accepter de démissionner et recevoir une indemnité de départ.

Après analyse, l'Honorable juge Louis Crête en vient à la conclusion que le Demandeur n'a pas démontré l'existence d'un vice de consentement. En effet, le fait d'être forcé à choisir entre deux scénarios désavantageux n'équivaut pas à vice de consentement:
[42]        Ici, l’employeur a donné le choix à M. Yip : ou bien on le congédiait au motif que le lien de confiance avait été rompu, ou bien M. Yip acceptait de mettre fin à son emploi et les parties se donnaient alors quittance de ce qu’elles se devaient l’une à l’autre, dans une entente qui constituait une transaction au sens du Code civil du Québec
[43]        Il s’agit donc de déterminer si le tribunal serait bien fondé d’invalider la transaction au motif que le consentement du demandeur n’aurait pas été libre et éclairé. 
[...] 
[51]        Pour qu’une crainte constitue un vice de consentement pouvant mener à l’annulation d’un contrat, cette crainte doit être celle « d’un préjudice sérieux pouvant porter atteinte à la personne ou aux biens de l’une des parties » et être « provoquée par la violence ou la menace de l’autre partie ou à sa connaissance ».  
[...] 
[59]        La « menace » évoquée par M. Yip dans son témoignage était-elle susceptible d’engendrer chez lui la crainte d’un préjudice sérieux, crainte qui pourrait alors mener à l’annulation de la transaction ? 
[60]        Le tribunal estime que non. 
[61]        Rappelons tout d’abord que le fardeau de la preuve visant à faire annuler un contrat appartient à celui qui demande la nullité. 
[62]        Dans un premier temps, rien dans la preuve ne permet, par exemple, de conclure que M. Yip aurait été séquestré, même si, comme il l’a dit, on lui a indiqué qu’il ne sortirait pas de la pièce avant d’avoir signé. 
[63]        À l'évidence, la crainte que le demandeur dit avoir eue est plutôt le fait d’un état d’esprit subjectif. De plus, le préjudice appréhendé n’était pas sérieux. En fait, le demandeur pouvait refuser de signer, il pouvait dire non et alors les représentants de l’employeur lui auraient formellement remis la lettre de congédiement qui lui avait été présentée comme alternative au projet d’entente. De simples pressions psychologiques ne peuvent engendrer une crainte objective pouvant donner ouverture à l’annulation d’un acte juridique. 
[64]        Dans un second temps, il faut, pour qu’une crainte donne ouverture à l’annulation d’un contrat, que la violence qui l’a suscitée soit illégitime. Dans la présente affaire, l’employeur avait résolu de mettre fin à l’emploi de son salarié pour des raisons qu’il estimait légitimes et qui étaient fondées sur des fautes suffisamment sérieuses du côté du demandeur.
Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/19O45OY

Référence neutre: [2013] ABD 409
 

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