Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.
On le sait, contester une demande d'amendement avec succès n'est pas une mince affaire. La partie qui conteste devra démontrer que l'amendement proposé est inutile, contraire à l'intérêt de la justice ou donne lieu à une demande entièrement nouvelle. En ce qui a trait à ce dernier cas, l'Honorable juge Line Samoisette souligne, dans Bric Solutions inc. c. Bélair (2013 QCCS 4881), que l'ajout d'un recours extracontractuel subsidiaire à un recours contractuel n'équivaut pas à l'ajout d'une demande entièrement nouvelle.
Dans cette affaire, la Demanderesse a intenté un recours contractuel contre le Défendeur afin de faire respecter des obligations de non-concurrence et non-sollicitation prévues dans une convention d'actionnaires. Elle veut maintenant ajouter un recours subsidiaire extracontractuel basé sur le devoir de loyauté.
Le Défendeur conteste cette amendement, jugeant entre autres motifs que l'amendement proposé donne lieu à une demande entièrement nouvelle.
La juge Samoisette rejette cette contestation et indique que l'ajout d'un tel recours subsidiaire ne donne pas lieu à une demande entièrement nouvelle lorsqu'il est basé sur la même trame factuelle:
[11] Concernant l’argument à l’effet qu’il en découle une nouvelle demande, les tribunaux se sont déjà penchés sur cette question.
[12] Dans l’affaire Brochu c. Société des loteries du Québec, le juge a conclu qu’il était possible, par voie d’amendement, d’invoquer subsidiairement le régime contractuel ou extracontractuel en autant qu’il se fonde sur les mêmes faits que l’action originaire et que les amendements répondent aux critères établis à l’article 199 C.p.c. Il écrit :
« [189] Une revue de la jurisprudence depuis la mise en vigueur du nouveau Code civil en 1994 démontre plutôt que les tribunaux ont accordé à maintes reprises une demande d’amendement ayant pour objet d’invoquer subsidiairement le régime contractuel ou extracontractuel.
[190] De cette revue de la jurisprudence, le Tribunal retient les principes suivants. Une demande d’amendement visant à ajouter subsidiairement le régime contractuel ou extracontractuel serait accueillie si :
· le recours que l’on veut joindre par amendement se fonde sur les mêmes faits que l’action originaire et est connexe à celle-ci, indépendamment de la nature contractuelle ou délictuelle du recours originaire;
· l’amendement recherché n’est ni inutile, ni contraire aux intérêts de la justice, et qu’il n’en résulte pas une demande entièrement nouvelle;
· à propos des amendements, en première instance, ils sont la règle dès que leur pertinence est vraisemblable et le refus d’amender, l’exception. Et cette règle doit recevoir une interprétation large et libérale.
[13] Dans l’affaire Industries Dettson inc. c. Courchesne, le juge conclut que l’amendement visant à joindre un recours subsidiaire en responsabilité extracontractuelle au recours contractuel originaire est permis et bien fondé en droit. Il écrit :
« [9] Les amendements proposés visent principalement à joindre un recours subsidiaire en responsabilité extracontractuelle au recours déjà engagé dans le présent dossier alléguant la responsabilité contractuelle des défendeurs.
[10] Après considérations, le Tribunal est d'avis que les demandes d'amendements sont bien fondées en droit.
[11] Tel que la Cour d'appel le souligne dans l'affaire Syndicat du garage du Cours Le Royer, une partie peut «…invoquer de façon subsidiaire les règles du régime de responsabilité extracontractuelle pour les cas où le Tribunal conclurait soit à l'absence de contrat, soit que la faute reprochée se situe à l'extérieur des cadres du contrat. »
[12] Les amendements recherchés ne sont pas inutiles, ni contraires aux intérêts de la justice. De plus, il n'en résulte pas une demande entièrement nouvelle puisqu'ils s'appuient sur les mêmes faits que l'action originaire et sont connexes à celle-ci, indépendamment de la nature contractuelle ou délictuelle du recours originaire. »
Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/1gvMcYG[14] Le tribunal est d’avis que Bric peut invoquer le recours extracontractuel par le biais d’un amendement même si son recours est initialement basé sur la convention entre actionnaires intervenue entre les parties. Le recours se fonde sur les mêmes faits que le recours originaire et en est connexe.
Référence neutre: [2013] ABD 419
Autres décisions citées dans le présent billet:
1. Brochu c. Société des loteries du Québec, 2009 QCCS 5678.
2. Industries Dettson inc. c. Courchesne, J.E. 2001-94 (C.S.).
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