mercredi 30 octobre 2013

Est déraisonnable la décision d'un tribunal administratif qui ne se prononce pas sur un argument important d'une partie

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Pour un plaideur, très peu de choses sont aussi frustrantes que de perdre une cause dans laquelle le décideur a simplement fait abstraction d'un des arguments plaidés, et ce particulièrement lorsque beaucoup de temps a été consacré à cet argument. C'est pourquoi je dois avouer avoir eu un sourire en lisant la décision de l'Honorable juge Claudine Roy dans Corporation de développement Nordic inc. c. Commission des relations de travail (2013 QCCS 5313), où elle en vient à la conclusion que le défaut, pour un tribunal administratif, de se prononcer sur un argument important équivaut à une erreur déraisonnable.



Dans cette affaire, la Requérante demande la révision judiciaire d'une décision de la Commission des relations du travail qui a accueilli la plainte de l'Intimé faite sous l'égide de l'article 124 de la Loi sur les normes du travail, annule le congédiement et lui substitue un avis disciplinaire. La Requérante allègue que la Commissaire a commis des erreurs de fait et de droit rendant la décision déraisonnable.
 
Un des moyens plaidés par la Requérante a trait à la violation alléguée par l'Intimé de son devoir de loyauté. En effet, la Requérante soumet que la Commissaire a commis une erreur déraisonnable en ayant fait défaut de se prononcer sur cet argument important.
 
La juge Roy donne raison à la Requérante sur la question. Elle indique à cet égard que le défaut de se prononcer sur un argument important équivaut à une erreur déraisonnable justifiant l'intervention de la Cour:
[20]        Sur ce dernier point, la Commissaire fait état de la question aux paragraphes 36 à 41 de sa décision, section qui entend résumer la position de M. Dennis. Mais elle n’explique pas la preuve déposée par Nordic ni sa position, et n’en fait aucune analyse dans la section « Motif et dispositif » de la décision.  
[21]        Au paragraphe 36, elle semble reconnaître que M. Dennis a montré un local lui appartenant à Dr Bultz mais ne décide pas si ce geste contrevient à l’obligation de loyauté de l’employé. 
[22]        Quant aux locaux présentés à M. Paul Côté, elle conclut, au paragraphe 38 de sa décision (toujours dans la section qui résume la position de M. Dennis et non dans sa section « Motif et dispositif »), que M. Dennis n’a pas proposé à M. Côté des locaux dans ses immeubles personnels, écartant ainsi la preuve documentaire et le témoignage de M. Côté, sans expliquer pourquoi elle ne l’a pas cru. Le témoin, un tiers indépendant au litige, affirme pourtant que M. Dennis lui a offert par courriel des locaux lui appartenant personnellement ou appartenant à M. Flamembaum, qu’il a visité un local de M. Dennis à deux reprises, que M. Dennis insistait pour qu’il préfère ce local et l’aurait même avisé que le bail serait identique qu’il loue de Nordic ou de M. Dennis. M. Dennis reconnaît même ne pas avoir avisé Nordic de cette situation. La Commissaire aurait dû faire état de cette preuve et expliquer les motifs l’amenant à l’écarter le cas échéant. 
[23]        Au-delà des conclusions factuelles, la Commissaire ne statue pas sur l’argument de violation de l’obligation de loyauté et du conflit d’intérêts dans lequel M. Dennis se plaçait en offrant indifféremment des locaux de Nordic, de M. Flamembaum ou lui appartenant personnellement, alors que l’argument a été soulevé, preuve et jurisprudence à l’appui. Un employé doit éviter de se placer en conflit d’intérêts. La Commissaire se devait de statuer sur l’argument. Il s’agit d’une erreur déraisonnable justifiant l’intervention du Tribunal.
Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/HpeRP8

Référence neutre: [2013] ABD 434

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