mercredi 16 octobre 2013

En l'absence de questions spécifiques de la part de l'acheteur, le fait de mettre à la disposition de ce dernier toute l'information pertinente dans le cadre d'une vérification diligente répond au devoir d'information du vendeur

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Nous traitons régulièrement du devoir d'information d'une partie contractante et de son corollaire, le devoir de s'informer. Bien sûr, la meilleure façon pour une partie de s'acquitter de son devoir d'information est de mettre à la disposition de sa contractante toute l'information pertinente dans le cadre d'une vérification diligente. Comme le confirme l'affaire Fiducie famille Bernard Môme c. 9191-0455 Québec inc. (2013 QCCS 4811), en l'absence de questions particulières posées par l'acheteur, cette mise à la disposition de ce dernier de toute l'information pertinente satisfera au devoir d'information du vendeur.


Les faits de l'affaire sont assez simples.

En juin 2008, les Demandeurs ont vendus à la Défenderesse toutes les actions du capital-actions d'un restaurant.  À la clôture de cette transaction, les parties conviennent de procéder ultérieurement à un ajustement du prix de vente entre le montant réel du fonds de roulement et la somme de 50 000 $ prévue au contrat de vente.
 
Le prix de vente n'ayant pas été totalement acquitté, les Demandeurs intentent des procédures civiles pour obtenir le paiement du montant approprié. Bien que les Défenderesses admettent devoir certains montants, par demande reconventionnelle elles recherchent une condamnation des Demandeurs en dommages au montant de 627 219 $ pour les dommages qu’elles estiment avoir subis en raison de l'omission des Demandeurs de divulguer les changements matériels ou importants survenus dans l’exploitation du restaurant entre la date de l’offre d’achat et celle de la conclusion de la vente, en l’occurrence la baisse substantielle des revenus nets d’opération.
 
En contestation, les Demandeurs plaident que toutes les données financières pertinentes pour le restaurant étaient accessibles dans le cadre de la vérification diligente. Ainsi, les Demandeurs soumettent avoir satisfait à leur devoir d'information.
 
L'Honorable Nicole-M. Gibeau en vient à la conclusion qu'en mettant à la disposition des Défenderesses toute l'information pertinente, les Demandeurs ont satisfait à leur devoir d'information, particulièrement lorsque les Défenderesses n'ont posé aucune question supplémentaire:
[55]        L’auteur Patrice Vachon explique l’objectif de la vérification diligente dans son traité, La vente d’entreprise, il écrit : 
Lorsque l’acheteur effectue une vérification diligente, il cherche à se sécuriser quant aux déclarations et garantis du vendeur. Il veut confirmer l’intégralité des éléments d’actifs de l’entreprise-cible, la fiabilité et l’exactitude de la présentation comptable et le respect des normes et principes comptables généralement reconnus. Il s’assurera également que les éléments d’actifs n’ont pas été  surévalués et que les éléments de passif et les dettes potentielles n’ont pas été sous-évalués. 
[56]        Les motivations de l’acheteur pour acquérir un bien se retrouvent souvent aux conditions essentielles énoncées à la promesse d’achat. 
[57]        Contrairement à ce que soutient Duguay, la rentabilité de l’entreprise ne constituait pas pour 9191 la considération principale de l’achat mais seulement un élément secondaire. 
[58]        L’attrait principal pour cette compagnie repose sur la possibilité de transformer ce complexe, en tout ou en partie, en résidence pour personnes retraitées, domaine dans lequel Duguay et la société COGIR ont manifestement beaucoup d’expertise. 
[59]        D’ailleurs, dans son témoignage, Nadeau confirme que seul l’achat des actifs intéressait ses clients, soit le propriétaire 9191 et le gestionnaire COGIR. 
[60]        Serait bien imprudent, l’acheteur des actions d’une société qui n’exigerait pas de voir au préalable les états financiers intérimaires en vue de compléter une vérification diligente surtout si, comme en l’espèce, 9191 s’engageait à les acheter sans garantie légale ou conventionnelle. 
[61]        Aussi vrai qu’une obligation de renseigner incombe à une partie, il n’en demeure pas moins que l’autre partie a une obligation corollaire de s’informer. 
[62]        Dans leur traité sur les obligations, les auteurs Baudouin et Jobin écrivent : 
329 – Limite : l'obligation de se renseigner   
[…] Dans la mesure, en effet, où, dans les circonstances de l'espèce, le contractant a la possibilité de connaître l'information ou d'y avoir accès […] celui qui s'apprête à passer un contrat doit prendre les mesures raisonnables pour en bien connaître les enjeux importants, les faits susceptibles d'influencer sa décision; l'obligation de se renseigner vient ainsi faire échec au devoir corrélatif de renseignement de l'autre partie. […] Le droit ne vient pas au secours de ceux qui dorment, disait la maxime romaine. […]  
Dans l'obligation d'information, le droit entend protéger le contractant contre une inégalité situationnelle, mais non contre sa propre sottise ou négligence. […]  
[…] Aussi la Cour suprême a-t-elle pris la précaution de situer l'obligation d'information dans le contexte général où toute personne a le devoir de se renseigner raisonnablement avant de conclure un contrat. 
[63]        9191 admet l’exactitude des renseignements mentionnés à la brochure de vente des actions de Rive Gauche préparée par Lazure. 
[64]        Elle reconnaît n’avoir eu aucune difficulté à recevoir ou à prendre connaissance des documents en possession de Rive Gauche pour effectuer sa vérification diligente.
Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/16LjAoj

Référence neutre: [2013] ABD 413
 

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