dimanche 6 octobre 2013

Dimanches rétro: même dans le cadre d'une transaction, les intérêts ne commencent à courir qu'à partir de la demeure

dpar Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

En matière contractuelle, les intérêts ne commencent à courir qu'à partir de la demeure, que celle-ci soit contractuelle ou légale (i.e. via une mise en demeure ou par l'effet de la loi). Comme la Cour suprême du Canada l'indiquait dans Banque Nationale de Paris Canada c. 165836 Canada inc. ([2004] 2 R.C.S.45), cela s'applique pleinement dans le cadre d'une transaction.
 

Les faits de l'affaire sont inusités.

L'Appelante dans cette affaire allègue que les parties en sont venues à une transaction pour régler le litige intervenu entre elles. L'Intimée prétend au contraire qu'aucune telle transaction n'est intervenue entre les parties puisque l'Appelante n'aurait pas respecté les conditions de l'offre qu'elle lui avait faite.
 
La Cour d'appel du Québec en vient à la conclusion qu'une transaction a effectivement eu lieu (conformément à la prétention de l'Appelante) et condamne donc l'Appelante à payer à l'Intimée le montant stipulé par celle-ci. La Cour ne s'arrête pas là cependant, condamnant également l'Appelante à verser la somme de 90 000$ à titre d'intérêts payables sur ce montant.
 
L'Appelante fait valoir que cette dernière conclusion puisque l'Intimée ne l'a jamais mis en demeure de payer le montant stipulé dans la transaction et n'a pas non plus réclamé d'intérêts dans le cadre des procédures qui ont suivies. En effet, l'Intimée ne pouvait simultanément prétendre qu'aucune transaction est intervenue et demander le paiement d'intérêts par l'Appelante.

Au nom de la majorité de la Cour, l'Honorable juge Fish en vient à la conclusion que c'est à tort que la Cour d'appel a accordé des intérêts puisque l'Appelante n'était pas en demeure de payer le montant stipulé et que l'Intimée ne les a pas réclamés dans ses procédures judiciaires:
41 L’intimée prétend que le défaut de consignation de l’appelante lui est fatal. Aux termes de l’art. 1586 C.c.Q., soutient l’intimée, seule la consignation libère du paiement des intérêts. C’est donc à bon droit, toujours selon l’intimée, que la Cour d’appel a conclu que l’appelante était redevable du paiement des intérêts et de l’indemnité additionnelle et ce, à compter du 25 octobre 1994. 
42 Avec égards, je ne suis pas de cet avis. 
43 Les intérêts sont généralement calculés à compter de la date de la demeure du débiteur : voir l’art. 1617 C.c.Q. Force m’est de constater que les intérêts n’ont jamais commencé à courir contre l’appelante puisque celle-ci n’a été, en aucune façon et en aucun temps, constituée en demeure par l’intimée de payer les montants prévus à la transaction. De plus, l’appelante n’était pas autrement en demeure aux termes de la transaction : voir l’art. 1594 C.c.Q. 
[...] 
46 En l’espèce, pour que le paiement des intérêts commence à courir à compter du 25 octobre 1994, il aurait fallu que le contrat l’indique clairement. De plus, la transaction est muette quant au paiement des intérêts; elle ne contient aucune stipulation selon laquelle le seul écoulement du temps pour l’exécution des obligations aura pour effet de constituer l’appelante en demeure : voir l’art. 1594, al. 1 C.c.Q.  
47 La seule arrivée du terme n’a pas, comme c’était le cas en matière commerciale sous l’art. 1069 du Code civil du Bas Canada, l’effet de constituer le débiteur en demeure; voir J. Pineau, D. Burman et S. Gaudet, Théorie des obligations (4e éd. 2001), p. 734-735. 
48 Je ne peux non plus considérer que l’appelante aurait été constituée en demeure par l’institution de la demande en justice de l’intimée; en effet, le recours intenté par cette dernière était fondé sur la dénégation de l’existence même de la transaction. Ceci étant, l’intimée n’a jamais envoyé de demande extrajudiciaire à l’appelante l’enjoignant de lui verser le montant convenu. L’appelante n’a donc jamais été mise en demeure.  
49 Aussi, on ne pourrait prétendre que l’appelante était en demeure par le seul effet de la loi, aux termes de l’art. 1597 C.c.Q., du fait qu’elle n’avait pas respecté ses obligations prévues dans la transaction.
Commentaires:

J'ouvre une parenthèse ici pour différencier cette situation, où le défaut par l'Intimée de demander des intérêts dans le cadre du litige judiciaire ne résultait manifestement pas d'un oubli mais plutôt de la conséquence logique de sa position à l'effet qu'il n'y avait pas transaction, avec celle dont nous avons traité le 4 septembre dernier. Dans ce dernier cas, il s'agissait plutôt d'un oubli et d'un résultat conséquent avec la position adoptée par la partie demanderesse.

Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/16N7JbA

Référence neutre: [2013] ABD Rétro 40
 

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