dimanche 27 octobre 2013

Dimanches rétro: il n'est pas toujours nécessaire de prévoir une ligne de signature séparée pour la caution

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Il existe dans le corpus jurisprudentiel québécois certaines décisions qui suggèrent qu'en matière de cautionnement, lorsque l'administrateur ou l'officier qui signe au nom d'une compagnie veut s'engager personnellement à titre de caution, deux lignes de signature sont nécessaires (une où la personne signe pour le compte de la compagnie et une où elle signe personnellement). Pour ma part, je suis d'avis qu'une telle suggestion est erronée. La seule question en matière de cautionnement doit être celle de savoir si une personne s'est clairement engagée selon les termes du contrat (une signature séparée est un indice puissant, mais certes pas nécessaire). C'est exactement ce que nous enseignait la Cour d'appel en 1996 dans Alberto d'Ovidio c. 2626-8441 Québec inc. (1996 CanLII 5876).
 

Dans cette affaire, l'Appelant se pourvoit contre un jugement de première instance qui l'a condamné personnellement à titre de caution de certaines obligations contractées en vertu d'un bail. Il plaide qu'il n'a signé le bail qu'au nom de la compagnie dont il est à titre d'officier d'une personne morale et non pas à titre personnel.

La clause au coeur du litige contenue au bail se lisait comme suit:
QUE bien que le CÉDANT ait cédé tous ses droits dans le BAIL DU CESSIONNAIRE, M. Alberto D'Ovidio demeure lié par son intervention audit BAIL jusqu'au sept (7) février 1991;
La Cour, dans un jugement unanime rédigé par l'Honorable juge Jacques Chamberland, rejette la prétention de l'Appelant. À ce chapitre, le juge Chamberland retient l'engagement personnel de celui-ci même n'a signé le bail qu'une fois:
En principe, la signature du débiteur d'une obligation au bas ou en marge du texte décrivant cette obligation est la meilleure preuve, outre l'admission, de son acceptation de l'engagement y décrit. Mais tout est question de circonstances. Ici, monsieur D'Ovidio a signé la convention. La clause 6 apparaît sur la page 3 du document, la page des signatures, quelques centimètres plus haut que l'endroit où il apposait sa signature à titre d'officier de 158668 Canada Inc.. L'engagement décrit à la clause 6 est d'ailleurs semblable, sauf quant à sa durée, à l'engagement qu'il prenait au bail du 7 février 1989. Ce bail, à l'annexe E, indique que la locatrice a remis 20 000$ à 158668 Canada Inc. pour rénover les lieux loués; il n'était pas question d'engager ces argents à moins d'avoir un engagement personnel de monsieur D'Ovidio. Quand 158668 Canada Inc. a cédé le bail, moins de 9 mois plus tard, à 2425-1670 Québec Inc. il n'était pas question de consentir à moins de conserver l'engagement personnel de monsieur D'Ovidio, ce dont la clause 6 témoigne; le témoignage de Jacques Sebag, le représentant de l'intimée, est sans équivoque et, à mon avis, fort logique compte tenu de l'importante somme d'argent déboursée moins de 9 mois plus tôt et de l'effet libératoire de la cession sur les engagements de la locataire principale. 
L'appelant veut maintenant se dégager de ses responsabilités en prétextant avoir signé le document à titre d'officier de la compagnie et non à titre personnel. Je ne peux souscrire à ce raisonnement dans les circonstances de ce dossier. L'appelant soutient ne pas avoir lu la clause 6 avant de signer le document; sa version est invraisemblable. L'appelant est donc lié par la clause 6 de la cession du 1er novembre 1989; il est garant des obligations de 2425-1670 Québec Inc. en vertu du bail qui lui était cédé et ce, jusqu'au 7 février 1991.
Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/JwyFC3

Référence neutre: [2013] ABD Rétro 43

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