lundi 2 septembre 2013

Lorsqu'un arbitre de grief manque à la règle audi alteram partem, le dossier ne devrait pas lui être retourné

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Lorsque, dans le cadre d'un arbitrage de grief, un décideur fait défaut de respecter la règle audi alteram partem, l'on doit généralement renvoyer le dossier en arbitrage pour une nouvelle audition. Or, comme le souligne l'Honorable juge Nicole-M Gibeau dans Desjardins Ford ltée. c. Abramowitz (2013 QCCS 4105), un tel manquement est équivalent à un manque d'impartialité de sorte que le dossier devrait être retourné devant un arbitre différent.


Dans cette affaire, la Demanderesse recherche la révision judiciaire d'une sentence arbitrale. Elle présente plusieurs arguments au support de sa demande, incluant celui voulant que l'arbitre a violé la règle audi alteram partem en tranchant une question sans avoir permis aux parties de faire des représentations à propos de celle-ci.

Après analyse de la trame factuelle présentée devant elle, la juge Gibeau en vient effectivement à la conclusion que la règle n'a pas été respectée. Elle se penche ensuite sur la question de savoir si le dossier devrait être retourné devant le même arbitre, ce à quoi elle répond par la négative:
[49]        À l’audience, l’Arbitre a indiqué aux parties que la question de la rétroactivité de la demande serait traitée plus tard, si nécessaire. 
[50]        Or, l’Arbitre se prononce sur cet élément sans avoir permis aux parties de soumettre leurs représentations complètes sur ce sujet. 
[51]        Le droit d’être entendu constitue un principe de droit fondamental en droit canadien. 
[52]        La norme de contrôle applicable en l’espèce est alors celle de la décision correcte. 
[53]        En l’occurrence, l’Arbitre n’a pas respecté cette garantie procédurale. Une telle violation de la règle de justice naturelle constitue un excès de compétence entraînant la révision. 
[54]        Desjardins demande de retourner le dossier à un autre arbitre de grief choisi par les parties ou par le ministre du Travail. 
[55]        Elle craint le manque d’impartialité de l’Arbitre qui s’est déjà prononcé sur la rétroactivité de sa demande. 
[56]        Le Syndicat s’y oppose. 
[57]        Il plaide les coûts et le délai supplémentaire que la nomination d’un nouvel arbitre occasionnera. 
[58]        Le professeur Patrice Garant dans son ouvrage Droit administratif considère que la situation dans laquelle un membre d’un tribunal se trouve à réviser sa propre décision fait naître une appréhension raisonnable de préjugé. 
[59]        Afin de respecter la règle de l’impartialité, il est préférable d’éviter qu’une même personne soit appelée à reconsidérer sa propre décision ou à trancher une même question entre les mêmes parties. 
[60]        Pour cette raison, le Tribunal fera droit à la demande de Desjardins afin qu’un nouvel arbitre se penche sur la demande de rétroactivité.
Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/1cAqopz

Référence neutre: [2013] ABD 350
 

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