vendredi 23 août 2013

Un copropriétaire divis a l'intérêt suffisant pour intenter un recours en vices cachés directement contre le vendeur, et ce même si ces vices affectent une partie commune de l'immeuble

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

La copropriété divise soulève certaines questions en matière d'intérêt pour intenter des procédures judiciaires. Dans l'affaire Delorme c. Immeubles 1880 inc. (2013 QCCQ 9020), l'Honorable juge Dominique Langis devait traiter d'une telle question alors qu'il était nécessaire de déterminer si un copropriétaire divis d'un immeuble à condominiums avait l'intérêt pour prendre, contre le vendeur, des procédures  en vices cachés affectant une des parties communes de l'immeuble.
 

Dans cette affaire, les Demandeurs intentent une action en dommages au montants de 37 298,88$ au vendeur de l'immeuble dans lequel ils sont copropriétaires divis en raison de vices cachés affectant une des parties communes de l'immeuble. Ils allèguent que le béton sous le plancher au sous-sol a été cassé à plusieurs endroits pour installer des conduits de plomberie sans être remis en état, provoquant une humidité excessive et de mauvaises odeurs causées par l'infiltration d'eau et son accumulation dans le faux plancher pendant plusieurs années. Ils allèguent aussi la mauvaise fixation d'un regard d'égout qui contribue aux mauvaises odeurs.
 
La Défenderesse conteste cette action et fait valoir que les Demandeurs n'ont pas l'intérêt juridique nécessaire pour instituer le recours. Elle plaide en effet que les vices cachés allégués affectant une partie commune de l'immeuble, ce n'est que contre le syndicat des copropriétaires qu'ils pouvaient intenter un recours.
 
Jurisprudence à l'appui, la juge Langis rejette l'argument mis de l'avant par la Défenderesse à cet égard. Elle souligne qu'un copropriétaire divis a droit d'intenter un recours direct contre le vendeur de l'immeuble:
[48] Il ne s'agit pas dans la présente affaire d'une poursuite pour malfaçons ou défaut d'entretien mais bien d'un recours pour vices cachés. 
[49] La Cour d'appel a reconnu au propriétaire divis le droit d'exercer contre son vendeur les recours qui découlent de la garantie contre les vices cachés : 
«(…) Je conçois assez facilement que les droits des propriétaires divis doivent, dans certains cas, céder le pas à ceux de la collectivité, représentée par le syndicat, mais encore faut-il que les droits individuels et collectifs s'opposent. Or, tel n'est pas le cas en l'espèce puisque le recours en annulation intenté par madame Bergeron vise un tiers, sa vendeuse, et n'a pas empêché la conclusion d'une entente entre le syndicat et la S.H.D.M. (…) ». 
[50] Dans l'affaire Lafond c. Hébrard, s'appuyant sur une autre décision de la Cour d'appel, notre Cour a reconnu l'intérêt des copropriétaires à poursuivre leur venderesse :  
«12. La plus grande partie des dommages subis, suite à ce que les demandeurs considèrent être un vice caché, l'ont été plutôt aux parties communes de l'immeuble. De ce fait, les deux demandeurs, copropriétaires divis, ont-ils intérêt à poursuivre la venderesse.  
13. La Cour d'appel du Québec a été saisie d'une question semblable dans l'affaire Belcourt Construction Co. c. Greatchman. Dans cette affaire, elle a décidé que, même si les vices de construction affectaient une partie commune, il n'y avait rien dans les dispositions du Code civil qui restreignait le droit individuel de chaque copropriétaire de poursuivre son vendeur pour vices cachés. Selon la Cour d'appel, chacun des copropriétaires a, dans une telle situation, l'intérêt suffisant selon l'article 55 C.p.c. pour exercer un recours.».  
(référence omise) 
[51] Étant d'avis que l'arrêt Greatchman s'applique toujours malgré la réforme du Code civil, la Cour du Québec a également reconnu l'intérêt pour agir en ces termes : 
«[76] (…)  
L’article 1081 C.c.Q. confère au syndicat l’intérêt juridique pour exercer un recours relatif aux parties communes mais il ne prévoit pas que le syndicat est le seul à pouvoir exercer un tel recours.  
L’interprétation proposée aurait pour effet de priver un acheteur de son recours en résolution de la vente lorsqu’il découvre qu’une partie commune, la fondation par exemple, nécessite de coûteuses réparations.  
En l'absence de disposition claire à cet effet, il n'y a pas lieu de conclure que le législateur a limité ou diminué les droits de l'acheteur lors de l'adoption de l'article 1081 C.c.Q.   
De plus, le Tribunal ne voit pas en vertu de quelle règle de droit le Syndicat pourrait réclamer à Marie-France Daniel et à Raymond Mongeau une diminution du prix payé par les demandeurs en raison des vices cachés affectant les parties communes lors de la vente de 1997.».  
(le Tribunal souligne) 
[52] Le recours d'un copropriétaire contre le syndicat aux termes de l'article 1077 C.c.Q. n'a trait qu'aux dommages directs résultant du défaut d'entretien des parties communes ou de vices de construction ou de conception et ne peut avoir pour objet une action en diminution du prix de vente puisque le syndicat n'est pas partie à la vente. 
[53] De l'avis du Tribunal, les demandeurs ont l'intérêt pour poursuivre 1880 inc. et peuvent invoquer la garantie de qualité pour une partie commune surtout si, comme en l'espèce, la partie privative est directement affectée par les vices allégués.
Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/19C7z45

Référence neutre: [2013] ABD 337

Autres décisions citées dans le présent billet:

1. Société d'habitation et de développement de Montréal c. Bergeron, 1996 CanLII 5767 (C.A.).
2. Lafond c. Hébrard, REJB 2001-24379 (C.Q.).
3. Belcourt Construction Co. c. Greatchman, [1979] C.A. 595.
 
 

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