jeudi 22 août 2013

Le document dans lequel une personne inscrit ses heures de travail pour être admis en preuve par le biais de l'article 2870 C.c.Q.

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

L'article 2870 C.c.Q. met de côté la prohibition du ouï-dire dans les circonstances où la Cour est satisfaite que les critères de nécessité et de fiabilité. La Cour du Québec a mis en application cet article dans l'affaire Sylvain (Succession de) c. Robert Grenier Associés inc. (2013 QCCQ 8858) et elle permet le dépôt en preuve d'un document dans lequel une personne décédée inscrivait ses heures de travail.



Dans cette affaire, la succession Demanderesse réclame la somme de 12 121,62$ à la Défenderesse représentant le coût des travaux réalisés par M. Claude Sylvain avant son décès. La Défenderesse contest la réclamation au motif que les travaux n'ont pas été exécutés selon les règles de l'art et que le nombre d'heures réclamés est exaggéré.
 
Une question importante d'admissibilité de la preuve se pose. En effet, la Demanderesse désire produire en preuve le document dans lequel le défunt notait les heures travaillées. La Défenderesse s'objecte au motif qu'il s'agit de ouï-dire, ce à quoi la Demanderesse rétorque que l'exception de l'article 2870 C.c.Q. s'applique.
 
Après analyse, l'Honorable juge Dominique Langis en vient effectivement à la conclusion que le document est admissible en preuve puisqu'il répond aux exigences de l'article 2870 C.c.Q., entre autres raisons parce qu'à titre de document rédigé dans le cour des activités d'une entreprise, il est présumé fiable:
[32]        Cet article impose d'abord une condition procédurale qui, en l'espèce, est remplie. La Succession a signifié à la partie adverse, le 25 septembre 2012, un avis l'informant qu'elle demandera au Tribunal, à l'audience, d'accepter à titre de témoignage les notes manuscrites de M. Sylvain contenues dans un cahier Hilroy et une copie de ces notes est annexée à l'avis. 
[33]        Le Tribunal doit aussi s'assurer du respect des conditions de fond décrites à cet article. 
[34]        La déclaration doit porter sur des faits au sujet desquels la personne aurait pu légalement déposer. Cette condition est remplie. La preuve testimoniale est manifestement recevable sans restriction, puisque les parties ont contracté dans le cours des activités de leur entreprise respective, contrat par ailleurs admis. 
[35]        Aussi, il doit être impossible d'obtenir la comparution du déclarant comme témoin ou déraisonnable de l'exiger. Cette condition est évidemment satisfaite puisque M. Sylvain est décédé. 
[36]        La dernière condition exige que les circonstances entourant la déclaration doivent donner à celle-ci des garanties suffisamment sérieuses de fiabilité. La confection ponctuelle et habituelle du document par M. Sylvain et le témoignage de sa fille donnent à sa déclaration écrite des garanties suffisantes de fiabilité. 
[37]        Qui plus est, l'article 2870 C.c.Q. crée une présomption de fiabilité pour les documents établis dans le cours des activités d'une entreprise et les notes manuscrites de M. Sylvain bénéficient de cette présomption, puisqu'il s'agit d'un cahier de comptes. 
[38]        La Cour d'appel précise à ce sujet, dans l'affaire Itenberg  : 
« Cette présomption est importante car elle confère à sa déclaration un sceau légal de fiabilité qu'elle n'aurait pas nécessairement autrement. ».
[39]        Pour ces raisons, le Tribunal accepte le document P-3 pour valoir témoignage de M. Sylvain.
Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/153ZO8R

Référence neutre: [2013] ABD 336

Autre décision citée dans le présent billet:

1. Itenberg c. Les Breuvages Cott inc., 2000 CanLII 7586 (C.A.).

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