Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.
La question à l’égard de ces clauses de médiation obligatoire est celle de savoir si elles sont contraignantes et qu’elles empêchent une partie de faire valoir ses droits immédiatement devant les tribunaux. L’an dernier, l'Honorable juge Scott Hugues, dans Corporation Inno-Centre du Québec c. Média Opti Rythmix (2012 QCCQ 8980), exprimait l’opinion que de telles clauses ne pouvaient avoir pour effet d'empêcher une partie d'instituer immédiatement des procédures.
Dans cette affaire, le juge Hugues était appelé à décider si le défaut de la Défenderesse de soumettre son différend avec la Demanderesse à la médiation l'empêchait d'invoquer l'application de la clause compromissoire contenue dans leur contrat. Celui-ci contenait en effet une clause de médiation préalable obligatoire.
Pour le juge Hughes, cette clause n'avait pas pour effet d'empêcher le recours direct à l'arbitrage faute de libellé expresse à l’effet contraire:
[13] En effet, la clause 15.1 de la Convention de services établit le souhait des parties de discuter du règlement du litige avant de référer l'affaire en arbitrage. Toutefois, elles n'ont jamais prévu, qu'à défaut de médiation, la clause d'arbitrage ne s'appliquerait plus. Au contraire, la clause prévoit expressément tant la situation où la médiation ne fonctionne pas, que celle où les parties ne s'entendent pas sur la nomination d'un médiateur.
[…]
[15] En tout état de cause, le fait que personne n'ait demandé la médiation ne change pas la volonté clairement exprimée des parties, de se soumettre à la compétence arbitrale pour régler un litige découlant de la Convention de services. Une réclamation reliée aux honoraires prétendument dus en vertu de cette convention constitue, de toute évidence, un « désaccord ou différend relatif à la présente convention ou découlant de son interprétation ou de son application ».''
Plus récemment, l'Honorable juge Robert Mongeon en venait cependant à la conclusion contraire dans l'affaire Ceriko Asselin Lombardi inc. c. Société immobilière du Québec (2013 QCCS 3624), jugeant que les procédures judiciaires entre les parties devaient être suspendues afin de forcer les parties à se conformer à une clause de médiation obligatoire.
Dans cette affaire, le juge Mongeon était saisi du moyen préliminaire invoqué par la Défenderesse à l’encontre de l’action de la Demanderesse par lequel elle demandait la suspension des procédures judiciaires. La Défenderesse allèguait que le contrat intervenu entre les parties prévoyait une clause de médiation obligatoire, laquelle obligation est également stipulée au Règlement sur les contrats de construction des organismes publics (RRQ c. C-65, r.5, art. 50-52), et que la Demanderesse devait donc respecter cette obligation préjudicielle avant de pouvoir procéder avec son recours judiciaire.
Après analyse, le juge Mongeon en vient à la conclusion que la position de la Défenderesse est bien fondée et qu'il y a lieu de suspendre les procédures judiciaires pour que le processus de médiation puisse suivre son cours :
[46] Le contrat et le Règlement prévoient qu’un processus de règlement des différends doit être enclenché et poursuivi avant qu’une partie puisse interpeller l’autre en justice. Il s’agit d’une obligation préjudicielle qui, si elle n’a pas été menée à bien selon les dispositions contractuelles ou réglementaires applicables, doit être mise en place.
[47] Ce n’est pas pour rien que ces dispositions sont insérées dans les contrats de construction et dans les contrats publics. La médiation peut éviter de très longs et très coûteux litiges et un tel processus d’une durée maximum de 60 jours peut mettre fin au présent dossier qui, lui, prendra des années à se compléter, à un coût de plusieurs dizaines de milliers de dollars pour chacune des parties. Les principes de proportionnalité, couplés aux pouvoirs inhérents du Tribunal font en sorte que de telles dispositions contractuelles ou réglementaires se doivent d’être observées et les conditions de leur mise en application interprétées largement plutôt que restrictivement.
Comme on peut le noter, l'existence, en l'espèce, de l'obligation réglementaire de se soumettre à la médiation est un élément important de l'analyse du juge Mongeon. Il eût été intéressant de savoir si son raisonnement aurait été le même en présence strictement d'une obligation contractuelle. Le paragraphe 47 de la décision semble suggérer que, même dans une telle situation, le juge Mongeon en serait venu à la même conclusion mais il n’est pas possible d’en être certain.
Il sera intéressant de voir si cette question sera tranchée définitivement par les tribunaux québécois au cours des prochains mois.
Référence neutre: [2013] ABD 327
Le présent billet a initialement été publié sur le site d'actualité juridique Droit Inc. (www.droit-inc.com) le 7 août 2013.
Aucun commentaire:
Publier un commentaire
Notre équipe vous encourage fortement à partager avec nous et nos lecteurs vos commentaires et impressions afin d'alimenter les discussions à propos de nos billets. Cependant, afin d'éviter les abus et les dérapages, veuillez noter que tout commentaire devra être approuvé par un modérateur avant d'être publié et que nous conservons l'entière discrétion de ne pas publier tout commentaire jugé inapproprié.