lundi 12 août 2013

La faiblesse apparente d'un jugement de première instance

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

L'exercice de plusieurs pouvoirs interlocutoires de la Cour d'appel (que ce soit d'un banc complet ou d'un juge unique) nécessite la démonstration de la part de la partie requérante de la faiblesse apparente du jugement de première instance. Dans Uashaunnuat (Innus de Uashat et de Mani-Utenam) c. Québec (Procureur général) (2013 QCCA 1321), l'Honorable juge Allan R. Hilton discute de la distinction à faire entre un jugement qui comporte possiblement des erreurs et celui qui souffre d'une faiblesse apparente.


Dans cette affaire, les Requérants demandent la permission d'en appeler d'un jugement qui a refusé l'émission d'une ordonnance de sauvegarde. Ceux-ci font valoir que cette ordonnance de sauvegarde est nécessaire à la protection et la sauvegarde de leurs droits ancestraux.

D'emblée, le juge Hilton souligne que la permission d'en appeler d'un jugement qui refuse l'émission d'une ordonnance de sauvegarde n'est accordée que de manière exceptionnelle. Une de ces circonstances exceptionnelles nécessite, entre autres choses, la faiblesse apparente du jugement de première instance. Or, souligne le juge Hilton, il ne faut pas confondre argument valable (ou "plaidable") et faiblesse apparente:
[13] Je trouve très utile l'analyse de mon collègue le juge Morissette dans Droit de la famille - 081957 (cité par la juge Bich au paragraphe [51] de son jugement dans Northex) lorsqu'il parle des critères à examiner lorsqu'une partie prétend qu'un jugement est affecté par, entre autres, une faiblesse apparente : 
[4] Il existe une gradation entre un motif d'appel frivole, un motif d'appel plaidable, et la démonstration avant l'audition du pourvoi d'une faiblesse apparente ou importante dans un jugement de première instance. Beaucoup de moyens peuvent être plaidables sans pour autant équivaloir à la démonstration d'une faiblesse apparente dans un jugement. J'ajoute que, lorsqu'il ressort de l'inscription en appel que le débat sur le pourvoi portera principalement ou exclusivement sur des questions de fait, il doit être tenu compte d'un facteur additionnel, soit la réserve que s'impose une cour d'appel en n'infirmant les conclusions de fait du juge de première instance que si elles sont entachées d'une erreur dite« manifeste » et « dominante » ou« déterminante ».  
[Soulignage ajouté]. 
[14] Je reconnais que les moyens proposés par les requérants ne peuvent pas être qualifiés de frivoles, quoique certains soient rédigés d'une façon laconique. À supposer que les requérants bénéficient d'un appel de plein droit, je doute fort que les intimés pourraient obtenir le rejet de l'appel aux termes du paragraphe 4.1 de l'article 501 C.p.c. (« du fait que l'appel ne présente aucune chance raisonnable du succès / the fact that the appeal has no reasonable chance of success »).  
[15] Cela dit, il y a toute une différence entre des moyens qui peuvent êtres plaidables, pour employer l'expression du juge Morrissette, et ceux qui démontrent une faiblesse apparente dans le jugement attaqué. Une faiblesse qui est apparente doit, en effet, sauter aux yeux du juge de cette Cour à la simple lecture du jugement, des moyens d'appel, des procédures et des pièces produites. Manifestement, ce n'est pas le cas avec le jugement du juge Davis qui a acquis une connaissance profonde du dossier par son statut de juge gestionnaire. 
[16] J'ajouterai que le défi auquel faisaient face les requérants est encore de taille par le simple fait qu'il leur fallait démontrer une faiblesse apparente sur chacun des quatre critères nécessaires pour la délivrance d'une ordonnance de sauvegarde. Les moyens qu'ils ont proposés sont sérieux mais ils sont loin de démontrer la faiblesse nécessaire pour justifier la permission d'appeler.
Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/18q7sr5

Référence neutre: [2013] ABD 320

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