lundi 1 juillet 2013

La connaissance par la partie demanderesse du fait que sa cause d'action est insoutenable entraine une déclaration d'abus

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Nous discutons régulièrement sur le blogue du fardeau à remplir pour convaincre la Cour que des procédures sont abusives. L'affaire Alipoor c. Bouskila (2013 QCCS 2788) offre une belle illustration de circonstances dans lesquelles les tribunaux pourront conclure à abus de procédure alors que l'Honorable juge Francine Nantel en vient à la conclusion que le Demandeur savait (ou ne pouvait ignorer) que sa cause d'action était inexistante.
 


Dans cette affaire, le Demandeur réclame le remboursement d'un dépôt de sécurité de 150 000 $ remis aux Défendeurs lorsque sa société a acquis un immeuble commercial à Dollard-des-Ormeaux en décembre 2007. Les Défendeurs contestent cette réclamation et font valoir que le montant en question n'était pas un dépôt, mais bien plutôt un paiement partiel sur le prix de vente de l'immeuble. Ils formulent également une demande reconventionnelle par laquelle ils demandent, en vertu des articles 54.1 C.p.c. et suivants, des dommages pour abus de procédure.
 
Après analyse de la preuve, la juge Nantel souligne d'abord que les multiples thèses mutuellement contradictoires du Demandeur montrent bien le manque de sérieux de la réclamation. Elle en vient de plus à la conclusion que le Demandeur savait pertinemment bien que son recours était voué à l'échec et donc que les procédures du Demandeur étaient abusives:
[43]        Tout au long des procédures, la théorie de la cause du demandeur est à l'effet que le 150 000 $ constituait un dépôt de sécurité. Ce concept juridique correspond davantage à la nature d'un acompte. Cependant, les faits ne cadrent pas avec la définition d'un dépôt tel qu'édicté aux articles 2280 et ss. du Code civil du Québec (C.c.Q.) 
[44]        En plaidoirie, le demandeur invoque l'article 2665 C.c.Q. et plaide qu'il s'agit d'un gage sans dépossession. Encore faudra-t-il qu'il démontre de manière probante l'intention de créer un gage. 
[45]        Il remet également au Tribunal des autorités suggérant l'application d'une clause pénale, ou encore d'un enrichissement sans cause. 
[46]        Bref, le demandeur fait feu de tout bois. Mais avant même de qualifier la nature juridique de cette remise de fonds, le Tribunal doit, dans un premier temps, établir l'entente des parties. 
[...] 
[96]        En l'espèce, le demandeur a introduit un recours à l'encontre des défendeurs, des personnes âgées et vulnérables, sachant pertinemment que son action n'avait aucune base juridique. Ce faisant, il n'était pas sans connaître tout le stress et le tort qu'il leur causerait. En ce sens, son recours est abusif. 
[97]        Les défendeurs ont vécu une expérience extrêmement pénible à l'intérieur d'un processus judiciaire qui s'est avéré très long et ardu. Acouca raconte avoir perdu des nuits de sommeil et vécu une angoisse indicible depuis la réception de la mise en demeure. Quant à Bouskila, il fut très ébranlé par l'aventure, d'ailleurs, sa détresse s'est manifestée à l'audition par un esclandre bien senti. 
[98]        Les agissements du demandeur ont causé un réel préjudice aux défendeurs. Alipoor leur a volé six ans de quiétude alors qu'ils sont au crépuscule de leur vie. 
[99]        Pour ces raisons, le Tribunal conclut qu'Alipoor a abusé de son droit d'ester en justice. 
[100]     Le Tribunal condamnera le demandeur à payer les honoraires extrajudiciaires encourus par les défendeurs de 27 307,97 $ ainsi que les dommages-intérêts de 10 000 $ pour compenser le préjudice subi dont six années de vieillesse.
Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/15eScx6
 
Référence neutre: [2013] ABD 260

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