lundi 17 juin 2013

Les administrateurs d'une compagnie qui a fait défaut de se présenter pour son procès sont condamnés à payer des dommages en vertu de l'article 54.6 C.p.c.

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Les circonstances dans lesquelles les tribunaux québécois peuvent sanctionner la conduite abusive d'une partie en fonction des articles 54.1 C.p.c. et suivants, et plus particulièrement condamner un ou des administrateurs au paiement de dommages en vertu de l'article 54.6 C.p.c., sont diverses et relèvent toutes de la discrétion de la Cour. Les exemples jurisprudentiels de l'exercice d'un tel pouvoir sont donc d'intérêt (du moins pour moi). L'affaire Richard Lahaie c. Robert Groleau (2013 QCCS 2518) offre une belle illustre de certaines dans lesquelles les tribunaux condamneront des administrateurs au paiement de dommages, alors que la compagnie défenderesse conteste abusivement des procédures et ne prend même pas la peine d'envoyer un représentant au procès.



Dans cette affaire, les Demandeurs recherchent l'émission d'une injonction permanente empêchant les Défendeurs d'emprunter un chemin qui se trouve sur leurs terrains. La compagnie Défenderesse opérait une hydrobase sur la rivière Saint-Maurice et par ce fait, empruntait le chemin privé appartenant aux Demandeurs, et ce sans droit.  
 
Non seulement est-ce que la compagnie Défenderesse conteste les procédures sans vraiment avoir de moyen de défense valide pour ce faire, mais une fois la date de procès venue elle fait défaut de se présenter. Dans les cirscontances, l'Honorable juge Raymond W. Pronovost en vient à la conclusion que la condamnation des administrateurs en vertu de l'article 54.6 C.p.c. est appropriée:
[19]        Les demandeurs demandent également qu’en vertu de l’article  54.1 C.p.c. la défenderesse soit condamnée aux honoraires extrajudiciaires de 5 000 $ pour abus de procédure. Il n’y pas de doute dans le présent dossier que la défenderesse fait une utilisation abusive de la procédure en obligeant les demandeurs à faire la preuve de leurs prétentions. En effet, bien qu’elle ne peut plus utiliser cet endroit et qu’elle avait accepté la proposition de son procureur de signer un acquiescement à jugement, en février 2012 elle a changé d’idée sans donner aucune raison, aucune explication. Par sa manière d'agir, elle encourt aux défendeurs des dépenses inutiles uniquement par entêtement et malice. 
[20]        Son procureur l’a avisée que le procès aurait lieu les 5, 6 et 7 juin, mais aucun représentant n’a daigné se présenter. Il s’agit vraiment de genre d’abus de procédure que le législateur veut éviter. De simples citoyens comme les demandeurs ont dû recourir au service d’avocat pour faire respecter un droit qui était clair. La défenderesse avait le droit de le contester, mais elle aurait dû au moins avoir la décence de se présenter et de faire valoir ses motifs, ce qu’elle n’a pas fait. 
[21]        Malgré le fait qu’elle ne pouvait plus utiliser les quais situés sur les terrains de la ville de Shawinigan, elle n’a pas daigné non plus signer un acquiescement à jugement. Il y a donc lieu de faire droit à cette demande et de condamner la défenderesse à 5 000 $ de frais extrajudiciaires pour abus de procédure. 
[22]        Mais encore plus, l’article  54.6 C.p.c. permet lorsqu’il s’agit d’une corporation de condamner des administrateurs ou dirigeants d’une personne morale qui participent à ces abus de procédure. 
[23]        Les deux administrateurs de la demanderesse, soit madame Anabelle Lacombe et Jacques Picard, tel qu’en fait foi la lettre du 23 avril 2013 de Me Pierre Goulet, sont ceux qui ont pris les décisions dans ce dossier. Ce sont eux qui ont refusé de signer l’acquiescement à jugement,  ce sont eux qui ont obligé les demandeurs à payer des honoraires judiciaires alors qu’ils auraient pu par une simple signature arrêter toutes les procédures. D’ailleurs, il s’agit de l’entêtement puisqu’ils ne peuvent plus continuer leurs opérations sur cette hydrobase. 
[24]        Il y a donc lieu d’appliquer l’article 54.6 C.p.c. et de condamner personnellement madame Anabelle Lacombe et monsieur Jacques Picard conjointement avec la défenderesse.
Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/177hM7h

Référence neutre: [2013] ABD 240

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