lundi 17 juin 2013

La Cour supérieure émet une injonction provisoire se basant sur une durée du devoir de loyauté d'environ 18 mois

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Comme nous l'avions souligné le 5 octobre dernier, la Cour d'appel nous enseigne que la durée du devoir de loyauté stipulé à l'article 2088 C.c.Q ne peut excéder quelques mois. C'est pourquoi la décision récente rendue dans Nouvelle Autoroute 30 CJV, s.e.n.c. c. Nantel (2013 QCCS 2679) a attiré notre attention, puisque la Cour supérieure sanctionne, par voie d'une injonction provisoire, une violation du devoir de loyauté 18 mois après la fin de l'emploi de la partie défenderesse.



La Demanderesse recherche dans cette affaire l'extension d'une injonction provisoire initialement obtenue ex parte contre les Défenderesses. Elle allègue que le Défendeur, son ancien employé, communique à la Défenderesse et d'autres sous-traitants des informations relatives à la construction de l’autoroute 30 qu’il a obtenue dans l’exécution ou à l’occasion de son travail auprès d’elle.
 
La Demanderesse se base donc sur le devoir de loyauté du Défendeur pour demander l'émission d'une injonction et ce nonobstant le fait que le Défendeur a quitté son emploi en octobre 2011.
 
L'Honorable juge André Roy en vient à la conclusion que la Demanderesse rencontre le critère de l'apparence de droit nonobstant ce délai important:
[17]        L’article 2088 C.c.Q. édicte qu’à titre de salarié, Nantel doit agir avec loyauté et ne pas faire usage d’information confidentielle obtenue dans l’exécution ou à l’occasion de son travail. 
[18]        Pendant deux ans et demi, Nantel gère au nom de Autoroute 30 les contrats avec ses sous-traitants avec qui il est en contact étroit dans le cadre de ses fonctions. 
[19]        Voilà qu’après une absence du pays de plus d’une année, il réapparaît et collabore à la demande de compensation de Loiselle pour laquelle il travaille dorénavant, demande de compensation qui l’oppose à Autoroute 30. 
[20]        Le second alinéa de l’article 2088 C.c.Q. précise que l’obligation de loyauté survit pendant un délai raisonnable après cessation du contrat.  
[21]        Le procureur de Nantel plaide qu’en l’espèce, un délai de dix-huit mois entre la fin du contrat de travail en octobre 2011 et la collaboration de Nantel à la préparation de la réclamation de Loiselle en avril 2013 dépasse largement la notion de délai raisonnable auquel cet article fait référence. 
[22]        Selon le Tribunal, c’est à dessein que le législateur traite de « délai raisonnable ». De la sorte, c’est le contexte particulier de chaque affaire qui permettra de mesurer la durée raisonnable de survie de l’obligation de loyauté. 
[23]        Ici, Nantel occupe un poste névralgique pour Autoroute 30 auprès des sous-traitants. Si on exclut son séjour à l’étranger, environ six mois après la fin de son emploi, il collabore avec un sous-traitant pour préparer une réclamation contre Autoroute 30. 
[24]        Prima facie, cela porte atteinte au devoir de loyauté que l’article impose à un salarié. 
[25]        Le dossier débute, les affidavits en défense datent d’hier. L’interrogatoire des affiants permettra sans doute d’en savoir plus sur l’étendue de cette collaboration entre Nantel et Loiselle. 
[26]        Quant à l’obligation de confidentialité, la loi le lui impose, et il s’y engagé contractuellement à la clause 12 de son contrat d’emploi. 
[27]        Autoroute 30 ne demande rien de plus qu’il soit ordonné à Nantel de s’abstenir, pendant les procédures, de communiquer à Loiselle ou d’autres sous-traitants des informations auxquelles il a eu accès dans le cadre de ses fonctions chez Autoroute 30. 
[28]        De l’avis du Tribunal, Autoroute 30 a démontré une apparence de droit.
Commentaires:

Le contrat d'emploi, et plus particulièrement sa clause 12, n'étant pas reproduit au jugement, je ne peux émettre une opinion quant à mon accord avec le résultat ultime de cette affaire. Cependant, il me semble manifeste qu'on ne saurait prétendre que le devoir de loyauté peut survivre pendant une période de 18 mois, même si l'ex-employé a séjourné à l'étranger pendant un an. En effet, les enseignements de la Cour d'appel sur la durée de ce devoir sont clairs et celui-ci ne commence pas à courir à partir du moment où un ex-employé commence à travailler avec un concurrent.

Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/11BAQK9

Référence neutre: [2013] ABD 239
 

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