mardi 11 juin 2013

Il est nécessaire d'établir des raisons graves et contraignantes pour priver une partie du procureur de son choix

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

La déclaration d'inhabilité d'un avocat est, et doit toujours demeurer, une mesure d'exception. En effet, comme le rappelle la Cour d'appel dans l'affaire récente de Ste-Marie c. Prytula (2013 QCCA 985), l'exclusion de l'avocat librement choisi par une partie ne doit être prononcée que lorsqu'il existe des raisons graves et contraignantes de se faire.



Les Appelants se pourvoient contre un jugement de la Cour supérieure qui a déclaré inhabiles leurs procureurs au motif que les membres du cabinet Holmested & Associés n'avaient pas la distanciation requise pour occuper dans le dossier. Bien que je n'ai pas retrouvé en ligne le jugement de première instance, l'on peut présumer que c'est parce qu'un des avocats du cabinet est une partie au litige (il est un des Appelants).

Les Honorables juges Bich, St-Pierre et Bélanger renversent cette décision. Elles soulignent d'abord que ce n'est que pour des raisons graves et contraignantes que l'on doit priver une partie du procureur de son choix:
[1]          Il est nécessaire de revenir à la base des enseignements de la Cour et plus particulièrement à l'affaire Fédération des médecins spécialistes du Québec, dans laquelle le juge LeBel établit qu'il faut des raisons graves et contraignantes pour justifier l'exclusion de l'avocat librement choisi.
En l'espèce, il est acquis que l'avocat Appelant ne sera pas le procureur ad litem au dossier. Il incombait donc aux Intimés de démontrer que le reste de son cabinet ne pouvait occuper en présentant une preuve appropriée à cet égard, ce qui n'a pas été fait en l'espèce. Pour ces raisons, les juges sont d'avis que la déclaration d'inhabilité affectant le cabinet en entier n'était pas justifiée:
[2]          En l'espèce, il n'y aura aucune contravention à l'article 3.05.06 du Code de déontologie des avocats car il est acquis que David Holmested ne sera pas l'avocat ad litem. 
[3]          Quant à la demande de rendre inhabiles tous les avocats du cabinet de Me Holmested, au nom du principe qu'ils ne possèderaient pas la distanciation requise, cette question doit être appréciée selon les circonstances du dossier. En règle générale, la prohibition ne s'étend pas à l'ensemble du cabinet. Voir par exemple : Orange de luxe inc. c. Grégoire, et Donohue inc. c. Barvi ltée
[4]          Rien dans le présent dossier n'est de nature à faire en sorte que les membres du cabinet Holmstead et Associés n'aient pas la distanciation requise. Il appartenait aux intimés de démontrer que l'avocat ad litem n'a pas cette distanciation, preuve qui n'a pas été faite en l'espèce, à ce stade de l'affaire. Le juge de première instance ne pouvait pas, en l'absence d'une démonstration de raisons graves et contraignantes, conclure qu'il était « plus prudent » de déclarer les avocats inhabiles. 
[5]          Il n'est pas inutile de rappeler que l'intégrité et l'indépendance des avocats ad litem sont capitales et essentielles au système de justice. On ne saurait pour autant accepter que ces valeurs soient mises en doute par une partie à des fins stratégiques ou sur la base d'allégations spéculatives.
Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/12yU2uy

Référence neutre: [2013] ABD 231

Autres décisions citées dans le présent billet:
 

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