vendredi 3 mai 2013

Nul besoin de produire en appel toute la preuve faite en première instance

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Le 2 avril 2012, j'attirais votre attention sur l'importance de la production des transcriptions de l'audition de première instance lorsque l'on soulevait en appel des erreurs quant à l'appréciation de la preuve par le juge du procès (voir le billet en question ici: http://bit.ly/10AOZ4N). Or, comme la Cour d'appel le souligne dans Construction Argus c. Entreprises A & S Tuckpointing inc. (2013 QCCA 777), cela ne veut pas dire qu'il est toujours nécessaire de produire la transcription de l'audition dans le cadre des procédures d'appel. Seules les parties du dossier de première instance qui sont nécessaires à l'argumentation en appel doivent être produites.
 


Dans cette affaire, l'Intimée estime que le pourvoi de l'Appelante doit être rejeté faute pour cette dernière d'avoir produite la transcription complète de l'audition de première instance. Elle soumet en effet que la Cour d'appel ne peut se prononcer sur l'importante question du quantum des dommages sans le bénéfice de la preuve complète en première instance.
 
Au nom d'un banc unanime de la Cour, l'Honorable juge Dominique Bélanger rejette cet argument de l'Intimée. Elle souligne à cet égard, qu'il n'est ni requis, ni souhaitable de produire la preuve complète faite en première instance lorsque des extraits seulement sont suffisants:
[12]        L'intimée estime l'appel non fondé à sa face même, car l'appelante ne se serait pas conformée à son obligation de fournir la preuve entendue au procès, jugeant que cette dernière ne pouvait produire que deux jours d'audience sur douze et soumettre des extraits incomplets. 
[13]        Je suis d'avis de rejeter cet argument. 
[14]        L'obligation de l'appelante est de joindre à son mémoire une copie des pièces et les extraits de la preuve nécessaires à la détermination des questions en litige. C'est en fonction des besoins de la Cour pour résoudre adéquatement les questions en litige que la question se pose. 
[15]        Il n'est ni utile ni souhaitable que toute la preuve soit déposée lorsque seulement une question est soumise à la Cour. Rappelons que les questions de la détermination du type de résiliation, de même que celles de la liquidation de la réclamation d'A&S ne sont pas remises en cause devant la Cour. Bien que l'appelante n'ait pas reproduit l'ensemble de la preuve déposée au cours des douze jours de l'audition de première instance, elle a produit l'essentiel de la preuve pour permettre à la Cour de déterminer les dommages. 
[16]        L'appelante a produit les interrogatoires qui touchent sa réclamation, les pièces qui soutiennent cette réclamation, dont les rapports d'experts et la conciliation d'expertises ordonnée en première instance, ainsi que les témoignages qu'elle estime pertinents. 
[17]        Les reproches de l'intimée sont vagues et généraux. Elle se contente d'alléguer l'absence de tous les éléments de preuve que la juge a considérés pour fonder sa décision. Or, la juge a décidé de ne pas octroyer des dommages non pas parce l'appelante n'a pas rempli son fardeau de preuve, mais parce qu'elle a considéré ne pas devoir octroyer des dommages. 
[18]        L'intimée a par ailleurs ajouté la preuve qu'elle estime manquante. C'est ainsi qu'elle a ajouté vingt-trois pages de notes sténographiques, comprenant le témoignage de son expert. Elle a également produit deux pièces (4 pages) et une liste d'admissions qui concernent les paragraphes 1 à 75 du jugement, relatant les faits de la cause. On constate à cette liste que l'intimée remet en cause plusieurs déterminations de faits contenues au jugement, surtout ceux concernant les faits qui ont conduit la juge à décider que l'appelante avait des motifs pour résilier le contrat. Or, cette partie du jugement n'a pas fait l'objet d'un appel. 
[19]        Je suis d'avis que la Cour bénéficie de la preuve nécessaire pour déterminer du quantum des dommages devant être accordé, quoiqu'il faille admettre la difficulté pour une Cour d'appel de décider des dommages, lorsque le juge de première instance ne le fait pas.
Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/10hzJuG

Référence neutre: [2013] ABD 177

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