vendredi 24 mai 2013

L'entrepreneur qui n'a détenu la licence nécessaire que pendant une partie des travaux qu'il a effectués a droit à une hypothèque légale pour cette partie seulement

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

L'article 50 de la Loi sur le bâtiment prévoit que l'hypothèque légale de la construction enregistrée par un entrepreneur qui ne détient pas la licence appropriée sera radiée sur demande. Bien qu'il existe un corpus jurisprudentiel assez volumineux à propos de cet article, les tribunaux québécois ne s'étaient jamais prononcés sur la question de savoir quelle est l'issue correcte lorsque l'entrepreneur qui a enregistré l'hypothèque légale détenait la licence requise pendant une partie des travaux seulement. Or, la Cour d'appel vient de résoudre la question dans Schnob (Entreprises J. Schnob) c. Parent (2013 QCCA 923).
 

Dans cette affaire, la Cour est saisie d'un pourvoi contre un jugement de première instance qui a ordonné la radiation de l'hypothèque légale de la construction enregistrée par l'Appelant au motif que ce dernier ne possédait pas la licence d'entrepreneur requise par la loi pendant toute la durée des travaux.
 
En effet, l'Appelant n'avait pas de licence au moment du début des travaux, mais il a récupéré celle-ci en cours de travaux et il la possédait toujours au moment d'enregistrer son hypothèque légale. La question qui se pose dans ce pourvoi est donc celle de savoir si, pour valablement enregistrer une hypothèque légale de la construction, une entrepreneur doit avoir détenu la licence requise pendant toute la durée des travaux.
 
Au nom d'un banc unanime de la Cour, l'Honorable juge Allan R. Hilton répond à cette question par la négative et en vient à la conclusion qu'un entrepreneur a le droit d'enregistrer une hypothèque légale pour les montants relatifs aux travaux effectués pendant la période où il detenait la licence appropriée:
[39]        The second paragraph of section 50 of the Act gives the owner of immovable property the right to apply for the cancellation of the registration of a legal hypothec when the contractor does not hold the proper licence. In my view, the obverse of that stipulation should also be considered in a case such as this one. In other words, when a building contractor holds the proper licence, the right to register a legal hypothec and seek its enforcement for work performed while the licence was validly in force should be protected.  
[40]        Such a possibility was evoked by Lesage, J. in the judgment of Commission scolaire des Navigateurs v. Muridal Inc. In that case, a contractor holding an appropriate licence, Boutique du Châssis inc., obtained a sub-contract in July of 2003 to perform work at a school owned by the plaintiff school board. The following month, Boutique du Châssis went bankrupt without informing the general contractor or the plaintiff/owner. The defendant Muridal Inc. then acquired the contract of the now bankrupt sub-contractor by assignment. Between August 8 to September 1, it performed the work that had been previously carried out by Boutique du Châssis. Muridal, however, only obtained its licence under the Act on September 2, that is, after it had performed its work. Muridal gave notice to the owner of the assignment of the sub-contract to it from the bankrupt on September 16. On October 14, Muridal registered a legal hypothec against the owner's property. This led to the owner bringing a motion to cancel the registration of the legal hypothec. 
[41]        In the course of his judgment, Lesage, J. observed the following: 
[19]      Dans un cas comme celui en l'espèce, la condition préalable à l'inscription d'une hypothèque judiciaire est la dénonciation écrite du contrat au propriétaire qui n'a pas conclu le contrat avec l'entrepreneur. L'hypothèque légale ne vaut alors que pour les travaux, matériaux et services qui suivent la dénonciation.  
[20]      Cette dénonciation fait obligatoirement référence au contrat de construction obtenu. Or l'article 46 de la Loi sur le bâtiment stipule que « nul ne peut exercer les fonctions d'entrepreneur de construction, en prendre le titre, ni donner lieu de croire qu'il est entrepreneur de construction, s'il n'est titulaire d'une licence en vigueur à cette fin ».  
[21]      En transmettant un avis de dénonciation de son contrat, l'entrepreneur doit donc être détenteur d'une licence en vigueur sinon il laisse à tout le moins croire au propriétaire qu'il exerce légalement les fonctions d'entrepreneur de construction, ce qui ne serait pas le cas. Une telle dénonciation est invalide sauf si le propriétaire savait que l'entrepreneur ne détenait pas sa licence de la Régie du bâtiment.  
[22]      L'entrepreneur doit donc détenir une licence en vigueur au moment de la dénonciation, lors des travaux et lors de l'inscription de l'hypothèque légale. Il apparaît que, s'il ne la détient pas à l'une de ces périodes, il ne peut être considéré comme un entrepreneur de construction pouvant être protégé par la garantie qui est l'hypothèque légale.  
[23]      La seule situation pouvant possiblement porter à questionnement est le cas de l'entrepreneur de construction qui détient une licence en vigueur au moment de la dénonciation, laquelle devient échue durant une partie des travaux mais qui est remise en vigueur au cours des travaux et qui est toujours en vigueur lors de l'inscription de l'hypothèque légale.  
[24]      Le Tribunal est d'avis qu'il y aurait peut-être lieu de revisiter la jurisprudence dans une telle situation en fonction des objectifs de la Loi sur le bâtiment mais ce n'est pas le cas soumis en l'espèce.  
[Emphasis added] 
[42]        Lesage, J. thus felt constrained to grant the motion and accordingly ordered the cancellation of the registration of the legal hypothec: 
[37]      En l'espèce, la défenderesse est consciente de cette exigence qu'est la dénonciation de son contrat en vertu duquel elle a exécuté des travaux sur l'immeuble de la demanderesse. Malheureusement, elle a transmis cette dénonciation après l'exécution de ses travaux. Et telle dénonciation n'aurait été valable que pour les travaux qu'elle aurait pu exécuter elle-même par la suite, ce dont elle n'a pas eu la chance, étant évincée du chantier auparavant.  
[Emphasis added] 
[43]        An appeal was taken to this Court, where a different result obtained. It was held that while Muridal could not register a legal hypothec for the work it performed without a proper licence, it could, however, do so for the work performed by Boutique du Châssis, which at all relevant times did have the required licence. The effect would be to allow the school board to claim a reduction of the value of the legal hypothec registered on its property, which included the work both Boutique du Châssis and Muridal performed, when Muridal's claim to enforce it in separate proceedings was tried. In the course of his reasons on behalf of the Court, Morin, J.A. said this, after citing article 2952 C.C.Q.: 
[53]      J'en viens donc à la conclusion que l'appelante a validement inscrit une hypothèque légale à l'égard des créances résultant des travaux exécutés par Boutique du Châssis inc.  
[54]      À ce stade-ci, il importe peu qu'il y ait divergence de vues entre les parties quant à la valeur de ces créances; l'admission de l'existence de ces créances suffit pour justifier l'inscription de l'hypothèque légale.  
[55]      En conséquence, je suis d'avis qu'il y a lieu d'accueillir l'appel avec dépens, d'infirmer le jugement de première instance et de rejeter, avec dépens, la requête introductive d'instance de l'intimée en radiation d'une inscription d'une hypothèque légale sur le registre foncier.  
[Emphasis added] 
[44]        Although the analogy is not perfect, the reasoning in Muridal can be applied to the circumstances of this appeal. 
[45]        Mr. Schnob's legal hypothec is not irregular to the extent it represents the value of work performed as of the date his licence was re-acquired, that is, April 13, 2010. The legal hypothec Mr. Schnob registered does not specify the period of time covered by the claim. Rather, it states that he furnished the respondents with work and materials that were incorporated into the subject immovable property, and that the unpaid balance in principal and interest, subject to adjustment, is $106,760.52. 
[46]        The proper forum to determine the starting point of the value of the work for which Mr. Schnob claims he is entitled to the security of a legal hypothec is therefore the Superior Court file in which he seeks its enforcement and a monetary condemnation against the respondents.  It follows that Mr. Schnob's legal hypothec cannot extend to any part of the amount claimed that preceded the date on which he recovered his licence, thus leaving unsecured any excess amount that he might be awarded at trial for work performed and materials supplied prior to such date. 
[47]        The fact that he is entitled to the security of a legal hypothec for work performed after he recovered his licence, however, would not shield him from penal proceedings under section 197 of the Act for a possible violation of section 46 between the date of the formation of the contract on November 23, 2009 and the date prior to his having recovered his licence, that is, April 12, 2010.
Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/18qcXq1

Référence neutre: [2013] ABD 207

Autre décision citée dans le présent billet:

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