vendredi 31 mai 2013

Le domicile de la mise en cause à titre de facteur justifiant le dépôt de procédures dans un district particulier?

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Les articles 68 et suivants du Code de procédure civile régissent la juridiction des divers districts judiciaires québécois. Ils énoncent en quelque sorte des critères de rattachement internes. Sans surprise, le domicile ou la résidence de la partie défenderesse est le critère de rattachement principal. Nul part dans ses articles en ce que l'on traite du domicile ou de la résidence de la partie mise en cause. Or, dans Nunes c. Leblanc (2013 QCCS 2232), l'Honorable juge J. Roger Banford indique que, dans certains cas, on peut véritablement assimiler une partie mise en cause à une défenderesse et que, dans ces cas, le domicile ou la résidence de cette partie mise en cause pourra justifier l'introduction de procédures judiciaires dans un district donné.
 


Dans cette affaire, les Défendeurs déposent une exception déclinatoire demandant le renvoi de l’instance dans le district judiciaire de Montréal, lieu de leur domicile ou siège social. Le Demandeur conteste le moyen déclinatoire et plaide principalement que le siège social de la mise en cause 9213-8643 Québec inc. est situé dans le district judiciaire de Chicoutimi et que cela suffit à conférer au tribunal la compétence territoriale requise.

Le juge Banford rejette l'exception déclinatoire. Son analyse des faits allégués l'amène à conclure que la Mise en cause doit être considérée ici comme essentiellement une Défenderesse, de sorte que son domicile (siège social) justifie le dépôt des procédures dans le district judiciaire de Chicoutimi:
[5]           Le tribunal estime que le demandeur pouvait saisir la Cour supérieure du district de Chicoutimi du litige. 
[6]           En effet, la requête introductive d’instance découle d’un conflit entre actionnaires et vise des conclusions de nature personnelle contre les défendeurs, essentiellement de manière à régulariser les rapports entre administrateurs et actionnaires de la compagnie mise en cause. 
[7]           Toutefois, les droits de la mise en cause 9213 sont aussi susceptibles d’être affectés par les conclusions recherchées, soit la nomination d’un séquestre, lequel aurait le pouvoir d’administrer et de gérer les biens immobiliers et mobiliers, les actifs, soit loyers, inventaire et comptes à recevoir d’une entreprise qui opère une résidence pour personnes âgées comprenant soixante-dix logements. 
[8]           Dans ces conditions, la Cour d’appel a déjà reconnu qu’une telle mise en cause, dont les droits sont ainsi susceptibles d’être affectés, doit être considérée comme une partie défenderesse.
Commentaire:

Avec grand respect, l'assise de cette décision me semble erronée. D'abord parce que le libellé de l'article 68 C.p.c. ne laisse aucune ambiguïté et qu'il ne parle que du domicile ou la résidence du défendeur. Ensuite parce qu'il ne me semble pas souhaitable, au stade préliminaire d'un dossier, que le juge saisi d'une exception déclinatoire soit tenu de performer une analyse des procédures pour déterminer si une partie mise en cause doit être considérée l'équivalent d'une partie défenderesse. C'est pourtant directement à ce résultat que mène le raisonnement adopté en l'instance par la Cour.

Si le juge Banford était d'opinion qu'il existait des circonstances exceptionnelles telles que l'audition de la cause dans le district de Chicoutimi est nettement préférable, je suis d'avis que c'est pas le biais de l'article 75.0.1 C.p.c. qu'il fallait procéder et non pas en assimilant la Mise en cause à une partie défenderesse.

Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/ZuSXCd

Référence neutre: [2013] ABD 217

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