lundi 13 mai 2013

Dans son analyse de l'apparence de droit pour les fins d'une injonction, la Cour devra prendre en considération la conduite des parties dans l'application d'un contrat

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

J'ai souvent discuté avec vous du fait que l'exécution en nature est la règle en droit civil, de sorte qu'il est loin d'être exceptionnel pour les tribunaux québécois de forcer l'exécution d'une obligation contractuelle par voie d'injonction (ou de bloquer un comportement contraire au contrat en vigueur entre les parties). Reste cependant que les tribunaux doivent, au stade interlocutoire, faire preuve d'une certaine prudence et ne pas forcer l'application stricte d'un contrat qui ne cadre pas avec la réalité pratique des parties. C'est pourquoi, comme le démontre l'affaire Régie aéroportuaire des Cantons de l'Est c. 9155-6696 Québec inc. (2013 QCCS 1880), les tribunaux prendront en considération l'interprétation et l'application qu'ont faites les parties d'un contrat avant d'en imposer le respect par voie d'injonction.



Dans cette affaire, la Demanderesse recherche l'émission d’une injonction pour enjoindre aux Défendeurs de cesser toutes activités afférentes à la réparation ou l’entretien d’avions ou d’aéronefs sur l’immeuble décrit aux conclusions de la requête et qui représente les lieux qui font l’objet d’un bail emphytéotique entre les parties. La Demanderesse fait valoir que ce bail emphytéotique exige que les Défendeurs obtiennent son autorisation écrite pour ces activités, ce qu'ils n'ont pas fait.
 
Saisi de cette demande, l'Honorable juge Charles Ouellet en vient à la conclusion que la Demanderesse n'a pas établi un droit apparent. En effet, la preuve disponible à la Cour au stade interlocutoire démontre que les parties ont souvent fait abstraction de la nécessité d'obtenir une autorisation écrite de sorte qu'il ne peut conclure à violation contractuelle prima facie:
[4]           Le Tribunal doit d’abord examiner si le droit réclamé est clair ou s’il est contestable.  Plus il est contestable et plus le second critère, celui de la balance des inconvénients, prend de l’importance.  Celui-ci consiste à évaluer si l’émission de l’injonction interlocutoire causera plus de dommages et d’inconvénients qu’elle n’en évitera, toutes parties confondues.  La partie qui requiert l’émission d’une ordonnance d’injonction interlocutoire doit aussi faire la preuve qu’elle subira un préjudice sérieux ou irréparable en l’absence de cette ordonnance. 
[5]           Qu’en est-il ici sur l’apparence de droit d’abord ? 
[6]           Avec égards pour l’opinion contraire, le droit réclamé n’apparaît pas clair au Tribunal.  La preuve sommaire révèle que les parties ont appliqué entre elles le bail emphytéotique de telle façon qu’aucune autorisation écrite formelle n’a été donnée pour l’activité de peinture d’avions, activité que la Régie ne conteste pas par ailleurs. 
[7]           De plus, aucune preuve n’a été apportée qu’une autorisation formelle ait été requise ou émise pour quelque activité que ce soit de la défenderesse 9155-6696 Québec inc., mises à part les demandes faites sous réserve par l’intermédiaire d’avocats à compter de 2009 sur lesquelles nous reviendrons plus loin.
Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/10kTa98

Référence neutre: [2013] ABD 189

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