lundi 22 avril 2013

Une exclusion d'assurance pour les activités criminelles trouve application peu importe le degré d'utilisation pour lesdites activités

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

En matière contractuelle, l'interprétation des obligations réciproques des parties est toujours très importante. Cela est d'autant plus vrai en ce qui a trait aux exclusions contenues dans une police d'assurance. Dans tout exercice d'interprétation, la logique doit jouer un grand rôle, même si elle n'est pas expressément prévue par le législateur comme méthode d'interprétation aux articles 1425 à 1432 C.c.Q. La décision récente de la Cour d'appel dans Union canadienne (L'), compagnie d'assurance c. Houle (2013 QCCA 677) illustre bien ce principe.
 

Les faits de l'affaire sont relativement simples.
 
En 2006, un incendie endommage la propriété de l'Intimée et son conjoint, laquelle est assurée par l'Appelante en vertu d'une police d'assurance habitation. À la suite de l'incendie, l'Appelante apprend que les lieux assurés servaient à la culture de cannabis et que les installations électriques servant à cette culture étaient à l'origine du sinistre.
 
Invoquant deux exclusions dans la police, dont celle stipulées à l'article 16 de celle-ci à l'effet que ne sont pas couvertes les constructions utilisées pour des activités illégales ou criminelles, l'Appelante nie couverture.

La juge de première instance acceuille néanmoins le recours intenté par l'Intimée. La Cour d'appel résume comme suit le raisonnement de la juge à ce chapitre:
[19] Selon la juge de première instance, l'absence des mots « en tout ou en partie » dans le libellé de la clause signifie que l'exclusion ne peut s'appliquer que si une partie substantielle de la construction est utilisée pour des activités illégales ou criminelles; il n'est pas nécessaire toutefois que toutes les pièces de la construction soient utilisées pour de telles activités.
Dans un jugement unanime rendu sous la plume de l'Honorable juge Jacques Chamberland, la Cour d'appel vient infirmer ce jugement. En effet, pour la Cour, le degré d'utilisation des lieux pour les fins d'une activité illégale ou criminelle n'a pas d'importance. Le juge Chamberland ajoute également qu'il serait contraire à la logique de conclure que la couverture s'applique quant les activités illégales n'affectent qu'une partie des lieux, mais pas lorsque cette partie est substantielle: 
[24] Selon moi, l'intimée a raison de dire que l'appelante propose une lecture de la clause 16 qui n'est pas fidèle à son libellé. L'appelante réfère à une utilisation des « lieux assurés » - un terme défini dans la police d'assurance – alors que la clause parle de« constructions » - un terme que la police d'assurance ne définit pas. L'appelante soutient qu'advenant l'utilisation des lieux assurés par l'assuré pour des activités criminelles, l'assureur ne couvrirait pas « le sinistre » alors que la clause ne parle que de « constructions »non assurées. C'est la clause d'exclusion 21 qui parle de« sinistres » non assurés lorsque ceux-ci sont imputables aux actes criminels ou fautes intentionnelles de l'assuré. 
[25] Ceci étant, il me semble erroné, et cela dit avec égards pour la juge de première instance, de lier l'application de l'exclusion au degré d'utilisation des « constructions » pour des activités illégales ou criminelles. 
[26] À mon avis, l'occupation d'une construction par l'assuré et son utilisation pour des activités illicites suffisent pour conclure que cette construction n'est pas assurée, et ce, peu importe que l'utilisation en question vise la totalité de la construction ou une partie seulement. 
[...] 
[29] La question que le juge doit trancher est celle de savoir si la construction a été « utilisée » pour des activités criminelles, ou non. Le degré de cette utilisation est, à mon avis, sans importance, et ce, même en l'absence des mots « en tout ou en partie ». La formulation de la clause implique nécessairement que l'utilisation de la construction à des fins illégales ou criminelles peut avoir été totale ou partielle, et qu'il y aura absence de couverture dans tous les cas. 
[30] Il me semblerait saugrenu de conclure que l'assureur couvre la construction utilisée en partie seulement pour des activités criminelles, mais non la construction dont « une partie substantielle » est utilisée. L'appelante a raison de plaider que cette interprétation de la clause d'exclusion irait à l'encontre de l'esprit et de la lettre du contrat d'assurance qui, par sa nature même, vise à protéger les biens d'un assuré dans le cadre d'activités légales.
Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/ZJSDZS

Référence neutre: [2013] ABD 159

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