lundi 18 mars 2013

Nul besoin d'avoir été déjà poursuivi pour avoir un intérêt né et actuel dans une demande d'indemnisation

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Pour faire valoir ses droits en vertu d'une clause contractuelle d'indemnisation, est-il nécessaire d'avoir été déjà poursuivi ou est-ce que demande formelle de paiement est suffisante? C'est la question à laquelle devait répondre l'Honorable juge Micheline Perreault dans 9112-3364 Québec inc. (Toitures Lacharité) c. EBC inc. (2013 QCCS 969).


Dans cette affaire, la Demanderesse dépose une requête en radiation de certains paragraphes de la défense et demande reconventionnelle de la Défenderesse.
 
Le litige naît du fait que la Demanderesse a agit à titre de sous-traitante pour la Défenderesse, entrepreneur général, dans le cadre d'un projet de construction et qu'elle demande paiement pour ses services. Dans la demande reconventionnelle, la Défenderesse allègue que les travaux n'ont pas été exécutés proprement. Au surplus, elle allègue que le propriétaire de l’immeuble lui réclame plusieurs montants et que la Demanderesse doit tenir la Défenderesse indemne de ceux-ci en de la convention de sous-traitance signée par les parties.
 
Ce sont les allégués relatifs au dernier point que la Demanderesse demande à la Cour de radier. En effet, elle plaide que le propriétaire n'a pas encore intenté de poursuite à l'égard de ces montants et que la Défenderesse n'a donc pas un intérêt né et actuel à demander indemnisation.
 
La juge Perreault est en désaccord avec cette position:
[11] La demanderesse plaide qu’aucune procédure n’a été déposée à ce jour et qu’il s’agit de dommages futurs qui ne sont ni liquidés ni certains. Elle ajoute que la défenderesse n’a pas l’intérêt suffisant en ce qu’il n’est pas juridique, personnel, né et actuel; que le Tribunal n’est pas saisi du litige entre la défenderesse et le propriétaire de l’immeuble; qu’il y a un risque de jugements contradictoires et qu’il n’y a pas de connexité entre les allégations 27 à 29 et celles de la demande principale. 
[12] Cependant, le contrat de sous-traitance contient la clause 12.1.1 dans la section intitulée « Indemnisation » :
« […] l’entrepreneur et le sous-traitant doivent se tenir à couvert et s’indemniser l’un l’autre des réclamations, mises en demeure, pertes, frais, dommages, actions, poursuites ou procédures relatifs aux pertes qu’ils subissent ou relatifs aux réclamations de tierces parties découlant de la participation des parties au présent contrat de sous-traitance ou attribuables à celle-ci,... »
[13] Ainsi, le Tribunal est d'avis que les allégations 27 à 29 présentent une connexité avec la demande principale et que l'intérêt de la défenderesse est né et actuel, vu la formulation de la clause d'indemnisation qui inclut les réclamations de tierces parties, en plus des poursuites et procédures.  
[14] Quant au fait que le montant réclamé est incertain, le procureur de la défenderesse plaide que ce n’est pas parce que le propriétaire de l’immeuble n’a pas encore institué de procédures à l’encontre de la défenderesse que le dommage n’est pas certain. 
[15] Le Tribunal réfère aux auteurs Jean-Louis Beaudoin et Patrice Deslauriers dans leur traité "La responsabilité civile" qui se lit comme suit :
« 1-346- Dommage incertain, éventuel, présent, futur - La confusion qui règne parfois quant au caractère certain du préjudice provient, en grande partie, d'une question de terminologie. On suppose, en effet, souvent dommage présent et dommage futur, en entendant ce dernier terme dans le sens d'éventuel. Or, un préjudice peut être futur tout en étant certain. […] 
1-347- Principes généraux - Tout dommage, présent ou futur, doit être indemnisé, du moment qu'il est certain. Cette règle, suivie par la jurisprudence, est codifiée à l'article 1611 du C.c. Compenser pour un préjudice incertain, c'est-à-dire qu'il ne se réalisera probablement pas, serait sanctionner l'enrichissement indu du créancier aux dépens du débiteur. Le caractère de certitude du dommage est cependant apprécié d'une façon relative. Les tribunaux n'exigent pas, en effet, une certitude absolue, mais une simple probabilité. Il suffit donc de démontrer que le dommage réclamé se produira selon toutes probabilités. […]»
[16] Ainsi, puisque le contrat de sous-traitance permet à la défenderesse de faire valoir l’obligation d’indemnisation incombant à la demanderesse pour toute réclamation formulée par une tierce partie, ce qui inclut le propriétaire de l’immeuble, et qu’il est probable, dans les circonstances, que les dommages réclamés par ce dernier soient indemnisés, en tout ou en partie, il n’y a pas lieu de radier les allégations 27 à 29 de la demande reconventionnelle.
Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/YlqsAH

Référence neutre: [2013] ABD 109

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