jeudi 7 février 2013

Même dans le cadre d'un contrat commercial, la clause de non-concurrence doit être limitée dans le temps, l'activité et le territoire

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Il est vrai de dire que les tribunaux québécois sont plus généreux dans l'interprétation et l'application des clauses de non-concurrence lorsque celles-ci se retrouvent dans des contrats commerciaux (par opposition aux contrats d'emploi). Reste que, même dans ce contexte, une clause de non-concurrence doit être limitée quant à sa durée, l'activité qu'elle couvre et le territoire où elle s'applique pour être valide comme le souligne l'Honorable juge Louis-Paul Cullen dans Livreur Plus inc. c. Livraison Éco Express inc. (2013 QCCS 229).
 

Dans cette affaire, la Demanderesse recherche l'émission d'une injonction provisoire pour faire respecter une clause de non-concurrence contenue dans un contrat de sous-traitance de nature commerciale.
 
La Défenderesse fait valoir que la clause en question n'est pas susceptible d'exécution parce que excède de loin ce qui est nécessaire pour protéger les intérêts légitimes de la Demanderesse et parce qu'elle ne rencontre pas les conditions essentielles pour sa validité, en l'occurrence parce qu'elle n'est pas limitée à un territoire précis.

Le juge Cullen en vient à la conclusion que la Défenderesse a raison de plaider que la clause de non-concurrence est invalide en l'absence d'une limitation territoriale:
[4] Les critères de validité des clauses de non-concurrence en matière commerciale sont résumés dans l’arrêt de principe Copiscope de la Cour d’appel. 
[5] Les auteurs Nathalie-Anne Béliveau et Sébastien Lebel commentent cet arrêt dans Développements Récents en droit de la concurrence (2011), Service d’information continue du Barreau du Québec.  
[6] L’article s’intitule Les clauses de non concurrence en matière d’emploi et en matière de vente d’entreprise : du pareil au même? (à la page 44) :
Les critères de validité des clauses de non-concurrence en matière commerciale ont de longue date été énoncés par la jurisprudence. Ils ont été résumés comme suit par le juge Nuss, de la Cour d’appel, dans l’arrêt Copiscope inc. c. T.M.R. Copy Centers (Canada) Ltd. (référence omise) : 
The validity of the Noncompetition Covenant must be determined on the basis of well settled principles set out in the jurisprudence.  
1) Undertakings in restraint of trade are generally against public order; 
2) there may, within reasonable limits, be contractual restrictions on the freedom to conduct a specified commercial activity; 
3) the validity of such restrictions is dependant of their being reasonable, particularly regarding the length of time that they are to apply and the territory where they are to be applicable;    
4) furthermore, it must be shown that the restrictions are necessary for the reasonable protection of the interests of the party in whose favour they are granted; 
5) If the restrictions do not meet the test of reasonability they will be struck down as being contrary to public order.
[7] Ce fut d’ailleurs le sort de la clause de non-concurrence dans l’arrêt Copiscope en question rendu le 4 décembre 1998. 
[8] Je continue de citer l’article :
Une clause de non concurrence en matière commerciale ne sera donc valide qu’à condition qu’elle soit limitée quant à sa durée, son territoire et aux activités qu’elle vise à ce qui est nécessaire pour protéger les intérêts légitimes de la partie en faveur de qui elle a été souscrite. 
Rappelons que, contrairement à l’obligation de non-concurrence en matière d’emploi qui doit être constatée par écrit, l’obligation de ne pas concurrencer peut être contractée verbalement en matière commerciale, sous réserve du problème de preuve qu’une telle situation est susceptible d’emporter.  
À l’instar de ce qui existe en matière d’emploi, ces critères de validité sont évalués les uns en fonction des autres plutôt qu’en vase clos. C’est donc dire, à titre d’exemple, que plus la durée d’application de la clause sera longue, plus son territoire d’application devrait être restreint et les activités prohibées limitées. À l’inverse, plus la durée sera courte, plus le territoire pourra être étendu et le genre de travail défini largement.
[9] Dans le cas présent, le Tribunal estime que la clause énoncée aux paragraphes 6.01 et 6.02 du contrat de sous-traitance excède manifestement ce qui est nécessaire à la protection des intérêts légitimes de la requérante, et ce, pour les raisons suivantes :  
[...] 
4) La clause ne comporte aucune limite expresse quant au territoire ni d’identification des pharmacies qu’elle vise. Le contrat de sous-traitance ne comporte lui-même aucune précision à cet égard. Aucune preuve n’est offerte que le sous-traitant avait connaissance de l’étendue de son engagement lors de la signature du contrat, et
Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/VJ1ek1

Référence neutre: [2013] ABD 55

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