vendredi 1 février 2013

Le harcèlement psychologique à titre de fondement pour un recours en congédiement déguisé

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Le 7 décembre 2010, j'attirais votre attention sur une décision de la Cour supérieure qui indiquait que le harcèlement psychologique ne pouvait constituer, en l'absence de d'autres changements substantiels dans les conditions de travail d'un employé, un congédiement déguisé (voir le billet en question ici: http://bit.ly/YoXdOF). Or, la décision récente de cette même Cour dans Guilbault c. Goyette (2013 QCCS 265) semble suggérer le contraire.
 

Dans cette affaire, la Demanderesse réclame la somme de 105 811 $ plus les intérêts à la suite de sa démission, alléguant être victime d’un congédiement déguisé.  En effet, la Demanderesse soutient avoir été victime de harcèlement psychologique de la part du directeur général de la Défenderesse, ce qui a causé son départ forcé, lequel, selon elle, constitue un congédiement déguisé.

Bien que l'Honorable juge Lise Bergeron en vienne ultimement à la conclusion que la Demanderesse n'a pas rempli son fardeau de démontrer harcèlement psychologique ou congédiement déguisé, elle indique clairement que le harcèlement psychologique, si prouvé, peut constituer un congédiement déguisé (contrairement à la décision dont nous avions traité en 2010):
[108] Par ailleurs, le départ d’un employé obtenu à l'arraché, par subterfuge, menaces et stratégie peut être qualifié de congédiement déguisé: 
Du côté de l’employeur, la volonté de mettre fin à l’emploi du salarié peut aussi se manifester expressément ou de façon implicite. Dans le second cas, on parlera de licenciement ou de congédiement déguisé, ou par induction. Celui-ci peut être le résultat d’un arsenal de moyens auquel l’employeur de mauvaise foi peut recourir pour provoquer le départ d’un salarié : harcèlement, brimades, vexations, humiliations, menaces, etc. Il peut aussi, même en l’absence de mauvaise foi, être conséquent à une modification substantielle imposée d’autorité par l’employeur aux conditions essentielles du contrat du salarié.
[...]     
[111] De même, notre collègue madame la juge La Rosa, dans un jugement Desgagné-Bolduc c. Provigo Distribution inc., complète l’analyse des éléments d’un congédiement déguisé en écrivant :
[92] L’employeur est donc tenu de permettre l’exécution du travail convenu dans des conditions acceptables. Dans ce cadre, « l’employeur est responsable de façon accessoire à son pouvoir de direction du maintien d’un cadre et de conditions de travail propices à l’exécution de son travail par l’employé ».  
[…] 
[95] Si l’employeur rend les conditions de travail de son employé intolérables à un point tel que ce dernier n’a d’autres choix que de quitter, il y a alors congédiement déguisé. 
[96] En l’espèce, par son attitude, l’employeur a modifié de façon substantielle les conditions de travail de madame Bolduc. On la place dans une situation où il n’existe pas de choix véritable. Dans un cas, elle accepte de quitter avec un chèque de l’employeur correspondant à huit semaines de salaire. Dans l’autre cas, elle reste à l’emploi, mais dans des conditions hostiles annoncées par l’employeur.
Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/XYuEFI

Référence neutre: [2013] ABD 47

Autre décision citée dans le présent billet:

1. Desgagné-Bolduc c. Provigo Distribution inc., 2007 QCCS 3224.

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