mardi 26 février 2013

Ça sonne plus "business"...

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Il est bien connu qu’une personne morale peut faire des affaires en utilisant un nom autre que le sien. C’est ce qu’on appelle communément un « nom d’affaires ». Ce que beaucoup moins de gens savent, c’est qu’une personne physique peut également utiliser un « nom d’affaires » ou un autre nom et même signer des contrats en utilisant ce nom. En effet, tant le Code civil du Québec que la Loi sur la publicité légale des entreprises (la « L.p.l. ») prévoient expressément cette possibilité.
 

D’abord, l’article 21 (1) L.p.l. indique qu’une personne physique qui exploite une entreprise peut utiliser un nom d’affaire. De plus, ce droit n’est soumis à aucune formalité pour être valable. Ainsi, rien ne m’empêche aujourd’hui d’utiliser le nom « Les chroniques de Karim » (mis à part la possibilité que quelqu’un d’autre utilise déjà ce nom ou un nom avec lequel il pourrait exister une certaine confusion, mais ça c’est pour une autre chronique).

La L.p.l. prévoit que la personne physique qui entend utiliser un nom d’affaires doit immatriculer celui-ci. La sanction du défaut de respecter cette obligation est administrative (obligation de payer des frais et certaines pénalités) ou, parfois, procédurale (art. 24 L.p.l. qui prévoit que l’on peut demander la suspension de procédures instituées par une personne qui n’est pas dûment immatriculée), mais elle n’empêche pas l’utilisation d’un tel nom.

De façon similaire, l’article 56 C.c.Q. reconnaît qu’une personne physique puisse utiliser un autre nom dans l’exercice de certains droit. Cet article se contente d’ajouter le bémol que « (c)elui qui utilise un autre nom que le sien est responsable de la confusion ou du préjudice qui peut en résulter ».
Qu’est-ce qui arrive alors lorsqu’une personne physique signe des contrats en utilisant un nom d’affaires ? Elle est tout simplement bénéficiaire personnellement des droits découlant de ces contrats et redevables des obligations qui en incombent comme si elle l’avait signée en son nom personnel.

En effet, s’il est vrai qu’on peut utiliser un nom d’affaires, celui ne nous protège pas comme le fait l’incorporation d’une personne morale (i.e. pas de voile corporatif). Quand on utilise un nom d’affaires, on s’engage personnellement.

Contrairement à une certaine croyance populaire, il est tout à fait possible pour une personne physique d'utiliser un nom d'affaires (voir par exemple la décision de la Cour d'appel dans l'affaire Consultants de l'Arctique inc. c. Saviadjuk (2013 QCCQ 585).

Dans cette affaire, en défense à une action sur compte, le Défendeur fait valoir qu'il n'existe pas de lien de droit entre les parties puisque les factures sont libellées au nom d'une compagnie et pas lui personnellement.
 
S'il est vrai que les factures sont libellées au nom d'une compagnie, le juge Sylvain Coutlée note que celle-ci n'existe pas et qu'il s'agit tout simplement d'un nom sous lequel le Défendeur fait affaire. Il en découle comme conséquence que le Défendeur est personnellement responsable comme s’il avait signé le contrat sous son vrai nom.

Si le sujet vous intéresse, je vous invite également à consulter les affaires Restaurant la Passerine Inc. c. Schwartz Levitsky Feldman Inc., 2003 CanLII 39322 (C.A.) et Investissement Ponari mondial inc. c. Mordehay, 2007 QCCA 892, où la Cour d’appel posait clairement le même principe.

Ainsi, l’utilisation d’un nom d’affaires si fait peut-être plus « business », mais ça n’offre pas vraiment de protection…

Référence neutre: [2013] ABD 82

Le présent billet a initialement été publié sur le blogue d'actualité juridique Droit Inc. (www.droit-inc.com).

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