lundi 21 janvier 2013

L'épineuse question de la prescription quand une partie conjugue recours en diffamation et atteinte à la vie privée

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Nous avons abondamment discuté sur ce blogue de la possibilité pour la partie demanderesse dans un recours civil de conjuguer divers causes d'action. Cette pratique peut rendre difficile l'obtention du rejet préliminaire du recours au motif de prescription. En effet, comme le démontre l'affaire Gravel c. Lifesitenews.com (Canada) (2013 QCCS 36), la période de prescription applicable à chacune des causes d'action ne sera pas toujours la même.


Dans cette affaire, le Demandeur réclame la somme de 500 000 $ en dommages découlant de la publication de 39 articles publiés à son sujet depuis août 2003 dans un bulletin mensuel publié par les Défendeurs. Il allègue que les défendeurs ont diffusé des propos faux et diffamatoires à son endroit.
 
Plus spécifiquement, le Demandeur insiste qu’il n’est pas favorable à l’avortement, qu’il n’a pas ni renié sa religion et ni défié le Vatican en se présentant comme député fédéral.
 
Les Défendeurs, pour une littanie de motifs, demandent le rejet préliminaire de l'action du Demandeur. Un des motifs allégué est que l'action est prescrite, le délai de prescription en matière de diffamation étant d'un an.
 
L'Honorable juge Paul Mayer rejette la requête des Défendeurs. En effet, s'il est d'accord avec le fait que le recours en diffamation du Demandeur est prescrit, il souligne que son recours pour atteinte à la vie privée, lui, ne l'est pas:
[24] Deuxièmement, le Tribunal considère que, de toute façon, le recours de l’Abbé Gravel contre M. Waggoner n’est pas prescrit. 
[25] L’article 2929 du Code civil du QuébecC.c.Q. »)spécifie que l’action fondée sur une atteinte à la réputation se prescrit par un an à compter du jour où la connaissance de la diffamation fut acquise par la personne diffamée. 
[26] L’Abbé Gravel a témoigné lors de son interrogatoire du 8 mai 2012 qu’il a eu connaissance de l’article du 3 septembre 2008 au courant de ce mois. 
[27] Il apparaît donc clair que le recours de l’Abbé Gravel contre M. Waggoner pour atteinte à sa réputation est prescrit puisque la requête a été intentée le 21 décembre 2010, soit plus de deux ans après la prise de connaissance dudit article.
[28] Toutefois, une lecture de la requête de l’Abbé Gravel révèle qu’il réclame également des dommages pour atteinte illégale à sa dignité, à son honneur, à sa vie privée et pour peine et souffrance.  De telles atteintes sont une question de faits, lesquels seront adressés au mérite. Ils doivent, à ce stade-ci, être pris pour avérés. 
[29] La jurisprudence constante de la Cour supérieure et de la Cour d’appel a interprété l’article 2929 C.c.Q. de façon étroite. Cette prescription ne s’applique qu’aux atteintes à la réputation. L’irrecevabilité partielle n’existe pas.  Dans Sébille c. Photo Police, madame la juge Carole Hallée, a rejeté une requête en rejet d’une action en diffamation pour cause de prescription, puisque les dommages allégués étaient non seulement pour atteinte à la réputation, mais également, pour affront à la vie privée.
Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/UM6lw6

Référence neutre: [2013] ABD 30
 

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