mardi 15 janvier 2013

Il n'est pas nécessaire d'établir la malice ou la mauvaise foi pour conclure à abus de droit

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

En septembre dernier, j'attirais votre attention sur une décision de l'Honorable juge David R. Collier dans laquelle il soulignait qu'il pouvait y avoir abus de droit sans mauvaise foi (voir notre billet ici: http://bit.ly/SBLj61). Dans la même veine, nous discutons cet après-midi de l'affaire BCOMC Canada inc. c. Regroupement des cabinets de courtage d'assurance du Québec (2013 QCCS 3) où l'Honorable juge François P. Duprat indique également que la démonstration de la malice ou la mauvaise foi n'est pas nécessaire pour conclure à abus de droit.


Dans cette affaire, la décision de la Défenderesse de mettre fin à une entente contractuelle avec la Demanderesse a donné lieu à un litige. En effet, la Demanderesse intente une action en dommages et la Défenderesse rétorque avec une demande reconventionnelle.

Une des questions qui se pose dans cette affaire est celle de savoir si la Défenderesse a abusé de ses droits contractuels. À cet égard, le juge Duprat souligne qu'il n'est pas nécessaire de trouver dans le comportement de la Défenderesse de la malice ou de la mauvaise foi pour conclure à l'exercice abusif de ses droits contractuels:
[135] La Cour suprême a reconnu que l’abus de droit contractuel ne nécessite pas la preuve de malice ou de mauvaise foi et que l’exercice d’un droit contractuel de façon déraisonnable, peut donner ouverture à une action en dommages. 
[136] Plus particulièrement, Madame la juge L’Heureux-Dubé écrivait :
En résumé, donc, il semble que la théorie des droits contractuels fasse aujourd’hui incontestablement partie du droit québecois. Fondé au départ sur le critère rigoureux de la malice ou de la mauvaise foi, la norme servant à apprécier l’existence d’un tel abus s’est élargie pour inclure maintenant le critère de l’exercice raisonnable d’un droit, tel qu’il est incarné par la conduite d’une personne prudente et diligente. Ce critère peut couvrir un grand nombre de situations, y compris l’utilisation d’un contrat à une fin autre que celle envisagée par les parties. On pourrait donc formuler ainsi le critère approprié : tels droits ont-ils été exercés dans l’esprit de loyauté?
[137] Que la RCAAQ ait pu prétendre à un manquement de BCOMC reste du domaine du possible; le rapport de M. Labelle le démontre bien. Par contre, le RCCAQ ne pouvait mettre fin au contrat de façon unilatérale, la correspondance de Mme Lamanque à M. Dionne en décembre 2007 pouvait certes inquiéter M. Dionne mais n’annonçait pas la fin du contrat. 
[138] Dans ces circonstances, le Tribunal conclut que la résiliation ne respectait pas les obligations implicites qui découlent d’un contrat innommé et que le droit à la résiliation, s’il existait, n’a pas été exercé de façon raisonnable. 
[139] Le Tribunal réfère à l’affaire E.& S. Salsberg Inc. c. Dylex Ltée dans laquelle monsieur le juge Chouinard écrivait :
Le défaut de remplir une obligation implicite de nature contractuelle permet de réclamer des dommages-intérêts tout comme l’abus de droit en matière contractuelle, maintenant définitivement reconnu par nos tribunaux, même en l’absence de faute.
Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/VXx5LD

Référence neutre: [2013] ABD 22
 

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