lundi 14 janvier 2013

En l'absence de situation urgente au fond de l'affaire, la Cour ne pourra rendre une ordonnance de sauvegarde qui tranche le fond du litige

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Sur À bon droit, nous avons de la suite dans les idées. En effet, notre dernière édition des Dimanches rétros traitait de la possibilité pour la Cour de se prononcer au fond dans le cadre d'une injonction provisoire ou d'une ordonnance de sauvegarde dans certaines situations. Mais, comme nous le soulignions hier, cela ne peut avoir lieu que lorsque l'urgence de rendre un tel jugement est manifeste. Autrement, comme le souligne l'affaire Giroux c. Blanchard (2013 QCCS 12), il ne saurait être question de rendre une ordonnance intérimaire qui équivaut à jugement final.


Dans cette affaire, dans le cadre d'une demande d'ordonnance de sauvegarde, la Demanderesse recherche l'émission de l'ordonnance suivante, laquelle est identique au remède souhaité au mérite de l'affaire:
22. La demanderesse est également justifiée de demander au Tribunal d'ordonner, s'ils ne sont pas déjà vendus, la vente de gré à gré des immeubles et à cette fin, qu'il soit ordonné au défendeur de signer un contrat de courtage exclusif auprès d'un agent d'immeuble dans les cinq jours du jugement à intervenir et à défaut par le défendeur de le faire, la demanderesse demande au Tribunal de l'autoriser à signer ledit mandat;
Saisi de cette demande, l'Honorable juge Gaétan Dumas constate que ce qui est recherché par la Demanderesse rendrait le fond de l'affaire caduque. Il est d'opinion que les circonstances exceptionnelles dans lesquelles la Cour peut se pencher sur le fond du litige ne sont pas présentes en l'espèce en l'absence d'urgence de se faire:
[7] Bref, la demanderesse demande que le jugement final soit rendu si les immeubles ne sont pas vendus. Les conclusions demandées par jugement final sont les mêmes que celles demandées par l’ordonnance de sauvegarde. 
[...] 
[15] Ce que la demanderesse recherche par une ordonnance de sauvegarde est identique à ce qu’elle recherche au fond. 
[...] 
[17] Après avoir rappelé ces principes, le juge Prévost rejette la demande de sauvegarde en soulevant entre autres que l’urgence alléguée au moment de la présentation de la requête n’était justifiée par aucun fait additionnel de ceux mentionnés dans la requête introductive d’instance 10 mois avant. 
[18] Le tribunal croit que le présent dossier s’apparente à la décision rendue par notre collègue Suzanne Ouellet dans Droit de la famille - 09809 où la demanderesse par demande de sauvegarde demandait que le tribunal fixe des modalités de mise en vente de la résidence familiale, elle mentionnait :
« [13] De plus, la retenue s'impose ici en ce que la demande formulée au stade de la sauvegarde est carrément celle demandée au mérite de la requête.  
[14] L'ordonnance de sauvegarde demandée ne revêt pas, sur plusieurs aspects, le caractère temporaire qui permet au juge qui entendra la requête de la modifier. »
[19] Également, notre collègue Claude Henri Gendreau dans A. c. B. après avoir rappelé les principes généraux pouvant permettre une ordonnance de sauvegarde, mentionnait :
« [13] L'ordonnance de sauvegarde a pour but, par une décision préliminaire et interlocutoire, de sauvegarder les droits des parties. Le Tribunal ne doit pas anticiper sur la décision finale ni se prononcer sur le fond ou rendre une décision qui pourrait sceller l'issue du recours principal. L'ordonnance de sauvegarde ne peut être utilisée que pour stabiliser le dossier dans un contexte strictement procédural. »
[20] Il rejette la demande de sauvegarde réclamée en mentionnant que faire droit aux conclusions recherchées équivaudrait à accorder, dans le cadre d’une mesure essentiellement provisoire, une direction à suivre lors de la décision au fond. Il ajoute :
« [27] Il n'y a pas urgence, la preuve ne révèle pas que le défendeur laisse l'immeuble se dépérir. Si le défendeur agit à l'encontre des droits de la demanderesse, elle pourra avoir droit à une indemnité. »
[21] Ces conclusions s’appliquent dans le présent dossier. Si le défendeur cause des dommages à la demanderesse en retardant inutilement l’instance et en empêchant ou en retardant la fin de l’indivision et si le juge du fond décide que la demanderesse avait droit aux conclusions recherchées, il pourra accorder tous les remèdes appropriés.
Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/VWeu2x

Référence neutre: [2013] ABD 19
 

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