lundi 17 décembre 2012

L'offre conditionnelle à l'obtention de financement engendre une obligation de moyens pour le promettant acheteur

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Il n'est pas rare de voir des transactions immobilières être conditionnelles à l'obtention, par le promettant acheteur, de financement. Or, l'obligation qui pèse sur ce dernier afin d'obtenir ledit financement est une obligation de moyens, de telle sorte qu'il ne commettra pas de faute pour la seule raison qu'il n'a pas obtenu celui-ci. La Cour d'appel réitère ce principe dans Gestion et immeubles Orléans inc. c. Re/Max Capitale (1983) inc. (2012 QCCA 2218).


Dans cette affaire, l'Appelante se pourvoit contre un jugement qui l'a condamnée à payer à l'Intimée la somme de 95 943,74 $, avec intérêts et l'indemnité additionnelle, à titre de commissions.
 
L'Appelante avait fait une offre d'achat au montant de 1 700 000 $ pour un immeuble sur la foi des représentations d'un agent de l'Intimée selon lesquelles le vendeur détenait des évaluations de l'ordre de 1 700 000 $ comme juste valeur marchande. Cette offre d'achat est conditionnelle à l'obtention, par l'Appelante, d'un prêt de 1 190 000 $. Ce financement ne se concrétise finalement pas lorsque, contre toute attente, le montant de l'évaluation de l'immeuble fourni à la suite de la demande de l'institution financière est de 1 350 000 $. 
 
Nonobstant ce qui précède, la juge de première instance condamne l'Appelante à verser à l'Intimée sa commission, en étant venue à la conclusion que la vente ne s'est pas concrétisée en raison du refus de l'Appelante de remplir ses obligations sans motifs sérieux.

La Cour d'appel renverse cette décision. Les Honorables juges Thibault, Dutil et Bouchard indiquent en effet que l'obligation pour l'Appelante en était une de moyen. Le non accomplissement de l'obligation n'étant pas du à un manquement de la part de l'Appelante, sa responsabilité n'est pas engagée:
[10] L'appelante était bien fondée de refuser d'acheter un immeuble dont la valeur était substantiellement inférieure à celle qu'on lui a représentée. 
[11] De plus, et c'est là l'élément le plus important, l'appelante n'a pas obtenu le financement requis de son institution financière, un élément qui constituait une condition expresse de son offre d'achat. L'institution financière a refusé le financement à la hauteur demandée en raison de la valeur de l'immeuble qui s'est avérée inférieure à celle anticipée. Rien dans la preuve ne permet de conclure que ce refus constituait un prétexte pour permettre à l'appelante de se soustraire à ses obligations. En se livrant à un exercice d'évaluation de la capacité de financement de l'appelante (et de son actionnaire) la juge a transformé l'obligation de moyens de l'appelante de satisfaire aux conditions de son offre d'achat sur ce point en une obligation de résultat contrairement aux enseignements de la Cour dans Bordages c. Entreprises RDG. Beaulieu inc. :
[37] Le rôle de Mme Tanguay a toujours été secondaire et limité. La seule question en litige: Mme Bordage a-t-elle manqué à son obligation de faire le nécessaire pour obtenir le financement bancaire requis pour compléter l’acquisition? Je rappelle que l’étendue de l'obligation de Mme Bordage en était une de moyens et non de résultat.
Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/U5mv4P

Référence neutre: [2012] ABD 459

Autre décision citée dans le présent billet:

1. Bordages c. Entreprises RDG. Beaulieu inc., 2005 QCCA 701.

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