jeudi 27 décembre 2012

Le seul écoulement du temps n'équivaut pas à confirmation d'un contrat frappé de nullité, cette confirmation devant être certaine et évidente

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

En octobre dernier, nous attirions votre attention sur une décision de la Cour supérieure qui posait le principe voulant que la confirmation implicite d'un contrat frappé de nullité relative devait être claire (voir notre billet ici: http://bit.ly/12RDGJv). Nous renchérissons aujourd'hui en attirant votre attention sur une décision de la Cour d'appel qui réitère ce principe. Il s'agit de l'affaire Industrielle Alliance, assurances et services financiers inc. c. Gouveia (2012 QCCA 793).
 

Dans cette affaire, l'Appelante se pourvoit contre un jugement qui a rejeté sa requête pour délaissement forcé et prise en paiement d'un immeuble résidentiel appartenant à l'Intimé. En effet, la juge de première instance, saisie d'une inscription en faux, en est venue à la conclusion que l'Intimé a repoussé la présomption de validité de l'acte de prêt hypothécaire invoqué par l'Appelante et que l'ensemble de la preuve démontre que feue l'épouse de l'Intimé n'a pas signé, ni consenti à l'acte hypothécaire reçu par notaire.

L'Appelante fait valoir, de manière subsidiaire, que l'Intimé a implicitement confirmé la validité de l'acte hypothécaire puisqu'il a eu connaissance de celui-ci plus de 16 mois avant d'invoquer le fait qu'il s'agit d'un faux.

La Cour d'appel confirme le jugement de première instance, indiquant que l'écoulement du temps, à lui seul, ne suffisait pas pour conclure à confirmation, laquelle doit par ailleurs être certaine et évidente:
[9] Il appert de la preuve que l'intimé a eu connaissance de l'existence du prêt hypothécaire le 8 avril 2008, soit au moment de la signature de la déclaration de transmission relative aux biens de son épouse, et qu'en février 2009, il a reçu un avis de défaut quant aux versements hypothécaires. Cependant, il n'a pas contacté l'appelante pour en contester la validité et ce n'est qu'après la signification de la requête en délaissement forcé, en octobre 2009, qu'il a invoqué la fausseté de l'acte d'hypothèque.  
[10] Lorsqu'il est informé de l'existence de l'acte hypothécaire, l'intimé est encore bouleversé par le décès de son épouse. Il reçoit l'avis de défaut en février 2009 et le transmet à son fils Allan croyant qu'il lui était destiné. C'est probablement au mois de septembre 2009, soit peu avant la signification du préavis d'exercice, qu'il rencontre le notaire Manzo qui lui mentionne que l'acte de prêt est un faux.  
[11] L'article 1423 C.c.Q. prévoit que la volonté de confirmer un contrat doit être certaine et évidente :  
[...] 
[12] Le simple fait de laisser écouler un certain délai avant de contester la validité d'un acte n'est pas suffisant pour conclure à sa confirmation. Le professeur Vincent Karim interprète ainsi le deuxième alinéa de l'article 1423 C.c.Q. :
Cette règle vise à corriger un certain courant jurisprudentiel qui jugeait que le seul fait, par le cocontractant, de laisser écouler un certain laps de temps avant d'intenter une action en nullité, équivalait toujours à une confirmation tacite du contrat. [Références omises]
[13] Dans l'affaire Construction Roland Bérard, la Cour a confirmé cette interprétation en adoptant alors les propos du professeur Pineau :
[5] La confirmation, ou ratification, d'un contrat frappé de nullité relative peut être tacite ou expresse. Comme l'indique l'article 1423 du Code civil du Québec, l'intention de renoncer à la demande en nullité doit être certaine et évidente. Elle ne se présume pas. Elle peut être tacite, mais ne doit pas être équivoque. Selon l'auteur Jean Pineau, "le législateur a ici voulu contrarier certaines décisions où l'on concluait trop facilement à la "confirmation tacite", parfois du simple fait que le demandeur avait tardé à intenter son action en annulation".
[14] Plus récemment, la Cour soulignait de nouveau que :
[3]Quant à la renonciation par une partie aux droits découlant d'un contrat, le droit est clair. Le seul passage du temps ou, dit autrement, le seul fait pour une partie de ne rien dire ne suffit pas pour conclure à renonciation au sens de l'article 1423 C.c.Q. La renonciation doit être claire et non équivoque.
[15] Toutefois, la confirmation tacite pourrait aussi résulter d'une situation où le cocontractant se soumet volontairement aux obligations découlant du contrat.
Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/U2QyZ5

Référence neutre: [2012] ABD 475

Autres décisions citées dans le présent billet:

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