mercredi 12 décembre 2012

La rétractation de jugement pour cause de signification invalide implique l'absence d'interruption de la prescription

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Par exception, l'article 2892 C.c.Q. prévoit que le dépôt de procédures judiciaires interrompt la prescription dans la mesure où lesdites procédures sont signifiées à la partie adverse dans les 60 jours du dépôt. C'est donc dire que, règle générale, c'est la signification qui interrompt la prescription. Cela implique que le jugement que invalide la signification de procédures peut avoir un impact drastique sur les droits d'une partie, comme le souligne l'affaire Alepin Gauthier, s.e.n.c. c. Fakhri (2012 QCCQ 13215).


Dans cette affaire, la Demanderesse poursuit le Défendeur pour des honoraires professionnels dus pour les services d’avocats rendus en 1999. Jugement par défaut est rendu le 30 novembre 2000 suite à une signification par la voie des journaux.
 
Après que la Demanderesse tente d’exécuter son jugement par une saisie-exécution en main tierce en 2008, le Défendeur se manifeste pour demander la rétractation du jugement rendu contre lui en alléguant l'invalidité de la signification. Après avoir eu gain de cause sur la question, le Défendeur allégue maintenant que la réclamation contre lui est prescrite faute de signification valide dans les trois ans de la naissance de la cause d'action.
 
Même si le résultat est draconien, l'Honorable juge Pierre Bachand en vient à la conclusion que le Défendeur a raison et que le recours contre lui est prescrit:
[9] [...] Ainsi, le jugement de rétractation a remis les parties dans l’état où elles étaient antérieurement. Il n’y a plus de jugement. De plus, ce jugement rendu pour défaut d’une signification valide anéantit aussi cette signification.  
[10] En effet, si la signification était valide, une rétractation de jugement n’aurait pu intervenir puisqu’il n’y a aucun autre motif allégué ou représenté à l’audience concernant cette demande de rétractation. L’argument peut sembler circulaire, mais il reste que si le jugement de rétractation est prononcé parce qu’il n’y a pas de signification, la remise en état des parties doit se faire à la situation pré-signification de la procédure introductive d’instance. 
[11] Voici par conséquent la situation juridique au moment de l’audience : des services professionnels d’avocats ont été rendus au défendeur en 1999. Aucune signification postérieure à celle qui a été considérée invalide par le jugement de rétractation n’a été faite de la demande introductive d’instance.  
[12] Le Code civil prévoit une prescription de trois ans pour les actions tendant à faire valoir un droit personnel (art. 2925 C.c.Q.). Or, il y a eu dépôt d’une demande en justice en 1999 et l’article 2892 C.c.Q. prévoit que le dépôt d’une demande en justice avant l’expiration du délai de prescription forme une interruption civile, pourvu que cette demande soit signifiée au plus tard dans les soixante jours qui suivent l’expiration du délai de prescription. En l’occurrence, les derniers services professionnels ont été rendus le 29 novembre 1999. L’action se prescrivait donc en 2002.   
[13] En supposant même que l’article 2895 C.c.Q. puisse s’appliquer dans ce cas-ci, ce que le Tribunal ne croit pas et ne décide pas, la demanderesse aurait eu un délai additionnel de trois mois pour faire signifier sa requête introductive d’instance à compter du 25 mai 2009, ce qu’elle n’a pas fait.  
[14] Par conséquent, le Tribunal ne constate aucune cause de suspension ou d’interruption de la prescription et la demanderesse n’en a soulevé aucune non plus. En conclusion, le Tribunal constate que la demande judiciaire en réclamation n’a jamais été validement signifiée et que le recours est maintenant prescrit puisque le droit personnel auquel la demanderesse pouvait prétendre date de plus de trois ans.
Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/RpUKVo

Référence neutre: [2012] ABD 454

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